London River
Écrit par Jean Wiertz   
Mercredi, 10 Juin 2009 11:40
 

  Film de Rachid Bouchareb (France 2008)Le réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb est en train d’écrire une page essentielle du cinéma contemporain, d’une part via ses films, d’autre part via sa société de production 3B, qui a entre autres participé au financement des cinq films de Bruno Dumont.

Avec « London River », il oppose la réalité, vécue par des gens de conditions modestes, à une des représentations du monde parmi les plus médiatisées, celle du « choc des civilisations ».

7 juillet 2005 : Elisabeth Sommers, veuve, la cinquantaine, apprend par la télé que 4 attentats ont eu lieu à Londres, provoquant de nombreuses victimes. Inquiète, elle téléphone à sa fille, qui y fait ses études, mais ne reçoit pas de réponse. Toujours sans nouvelles après deux jours, elle laisse sa petite ferme à son frère, et quitte Guernesey pour se rendre à Londres…Parallèlement, Ousmane Ali, forestier en Bretagne, apprend de sa femme restée en Afrique qu’elle est sans nouvelles de leur fils demeurant à Londres, et lui promet de partir à sa recherche…

Entre quêtes dans les rues de la ville, visites d’hôpitaux, nuits d’angoisse, moments de prière (Ousmane est musulman, Elisabeth est chrétienne), ces deux-la finissent par se croiser, puis se rejeter.Rachid Bouchareb laisse de coté la grande reconstitution historique (très réussie) de son précédent film (Indigènes) pour une approche très intimiste de son sujet, sans la moindre scène d’action.

L’attention du spectateur est d’abord soutenue par l’intrigue (Où sont les enfants ? Le fils d’Ousmane participait-il aux attentats ?), et par des plans qui ne révèlent que progressivement leur objet.Graduellement cependant, l’humanité de ces personnages, submergés par des évènements qui les dépassent, qui révèlent doucement leur austère vérité, confère à cette œuvre  des accents de plus en plus bouleversants, tout en ne versant jamais dans le pathos et le mélodrame.

 

Le film est porté par l’interprétation admirable de Brenda Blethyn et Sotigui Kouyaté, deux acteurs moins connus chez nous, et dont le jeu rappelle Yolande Moreau pour l’une, et Morgan Freeman pour l’autre.

La réalisation de Rachid Bouchareb est à l’image des protagonistes et des quartiers modestes mis en scène : sobre, proche de l’austérité, tout en nous gratifiant de quelques traits plus symboliques, tels par exemple la présence d’un kora (sorte de harpe africaine) dans l’appartement de la jeune fille, la musique comme lien entre les générations et les cultures différentes ; ou encore, le thème récurrent de l’orme, menacé d’extinction, comme notre humanité, gangrénée par des représentations à la mode.

Du grand cinéma, qui pacifie le cœur.

 

Mise à jour le Jeudi, 11 Juin 2009 13:36