Les jumelages, c'est du sport !
Écrit par Viviane Bourdon   
Samedi, 07 Août 2010 09:13
Verviers est jumelée avec Arles, La Motte Chalancon, Roubaix, Bradford, Mönchengladbach. Trois villes françaises, une britannique, une allemande, ralliées “en bicyclêêêtte”, comme dans la chanson, par quelques courageux mollets verviétois, originaires de Stembert.

Depuis le marathon de New York couru en 1995, Antonio Ianniello ( 55 ans ) est devenu “Fi-fi” pour les intimes. Bernard Schnitzler ( 51 ans ) est dit “le cardinal”.
Pour l’expliquer, il montre son crâne quelque peu dégarni. Jean-Paul Scheen  (  50 ans ), boucher de son état, fa-brique des boulettes, le voilà donc transformé en  “Boulix” ( le Gaulois ? ) . Lucien Farinella  ( 46 ans ) affiche une superbe moustache en guidon de vélo (!). Vite fait, il deviendra  “le Phoque” pour tous. Michel Wehr ( 48 ans ) , du style “Cuirassiers, chargez !, a été rebaptisé “le Guerrier”. Enfin dernier de la bande des cinq qui sont six, Dany Paulus ( 59 ans ) est “ la Cheville”, ouvrière cela va de soi, puisqu’il assume l’intendance et conduit le mobile home.
À tout ce petit monde au jarret sportif,  rejoindre en vélo les cinq villes jumelles de notre cité, a paru un beau projet. De fait, il y a en lui, tant un exploit physique pour des amateurs, qu’une certaine manière de revisiter les paysages et aussi l’occasion de nouer avec l’habitant un contact privilégié. Et ô bonheur, ils ont eu l’idée de prendre des notes. Voici ce qu’il en résulte.

 


Les 905 kilomètres de La Motte Chalancon ont eu, dès le départ dans la “crasse”, des allures de grande première où l’on dût affronter la pluie une bonne partie de la journée. “Fifi” l’a payé cher et souffrira du genou jusqu’à l’arrivée. “Le Phoque,” lui, n’avait pas l’habitude de rester en selle des heures durant et le ressentit à son fondement. Et de l’enduire de pommade, sans fausse honte, sur le bord de la route donnant aux automobilistes français, une vision qu’ils ne sont pas prêts d’oublier. “Boulix” suit vaille que vaille à son train. Avis unanime : sans ce fonceur de “Guerrier”, ils n’auraient pas tenu jusqu’au bout. Au bout, où les gens de Stembert, fusionné depuis belle lurette ( jumelage compris ) avec Verviers, attendaient pour les encourager au passage avant que le village de La Motte avec pratiquement tous ses habitants rassemblés pour la bonne cause, ne les accueille chaleureusement .
De quoi oublier toutes les galères endurées en chemin. “Le Phoque” a tellement apprécié la réception à la mairie qu’il se serait volontiers porté candidat-maire aux élections alors en vue. Du moins, c’est ce qu’il se chuchota.


Les 775 kilomètres de Bradford passent par les Pays-Bas. Cette fois,” la Cheville” est au volant d’une camionnette et l’équipe loge à l’hôtel. Le temps est beau. On roule à plat. Tout va bien. Le deuxième jour, le conducteur met la pression. C’est qu’il faut arriver à temps pour le bateau d’autant qu’il y a plein de bacs à prendre, que les camionneurs ont choisi ce jour-là pour défiler et bloquer toutes les routes et que certains ponts sont interdits aux cyclistes. “Montez-donc ” propose-t-il alors. Jamais ! réplique  fièrement “le Guerrier”. Et ils roulent si bien qu’ils arriveront à l’embarquement avec 1 h 30 d’avance.


À Harwich, l’hôtel est so british. Impossible de déjeuner avant 8 h, bien trop tard pour nos cyclistes qui se contenteront, sur le pouce, de quelques biscuits, d’un peu de miel, de lait concentré et quand même d’une tasse de café. Il est 6 h quand ils démarrent. “La Cheville” fait “bye, bye” de sa fenêtre et retourne se coucher avant de prendre deux heures plus tard son breakfast et d’emporter le lunch fourni par l’hôtel. À 13 h, il rattrape les autres qui, affamés, vont dévorer. La campagne anglaise et ses petites routes, les pubs avec leur pompe à main et l’esprit d’équipe qui s’exerce pour rappeler au fil des 400 km qu’ici, on roule à gauche.


Le petit déjeuner du quatrième jour est fait d’oeufs, saucisses, pommes de terre, tomates, champignons, de quoi se mettre du coeur au ventre car il pleut, il pleut encore, il pleut toujours. En dépit de tous les efforts de l’Échevinat de Muriel Targnion qui a dans ses compétences les jumelages, nul contact préalable avec Bradford n’avait pu être établi. Bradford reste aux abonnés absents et ne répond pas au téléphone même venant du pays. Pas trop de regrets, n’ayant plus un poil sec, ils pourront se sécher à l’aise.


Les 200 kilomètres de Mönchengladbach consistent en un aller-retour à vélo et ce, pour la première fois, dans le cadre d’une activité organisée par un Comité de jumelage verviétois. Ce dernier est là pour faire la haie dans la montée vers l’hôtel de ville allemand. Salve d’applaudissements et très bel accueil suivi d’un dîner réunissant sportifs, jumelés et responsables politiques. “Le Cardinal” qui en décide, se surpasse en arrivant à trouver des côtes sur un parcours qui, normalement, ne devait pas en avoir. Manquant cruellement d’entraînement, “Boulix” peine, tant et tellement, que sur la fin du trajet “le Guerrier” et “le Cardinal” le pousseront fort aimablement dans les montées. Mais, ils l’auront eue leur troisième ville !


Les 225 kilomètres de Roubaix : du génial ! Ils l’avaient demandé sans trop y croire et l’ont obtenue, leur arrivée, sous les bravos des Verviétois et des Roubaisiens, comme qui dirait dans la roue de Cancellara, le dernier vainqueur du Paris-Roubaix. Rien que du bonheur qu’ils vont partager avec deux de leurs amis, venus se joindre exceptionnellement à eux et dont l’un fêtait pour l’occasion ses cinquante ans. Un temps idéal, quelques crevaisons, une halte sympa dans un petit café t’chi pour se synchroniser avec le programme de la visite du Comité de jumelage, une belle réception et un grand souvenir.


Les 1.000 kilomètres d’Arles se feront en cinq jours. Ce vendredi-là, le temps était au beau mais un brin frisquet quand, à six heures du matin au pied de l’hôtel de ville, Yvonne Giet-Lebeau, la Présidente et quelques membres du Comité de jumelage entouraient les partants pour la séance photos. En tant que marraine, elle reçoit un tee-shirt souvenir de l’expédition. “Le Guerrier” attend que l’on arrive à Bovigny pour se ménager une échappée en compagnie du “Boulix”. “Le Guerrier” mène le train pendant 60 km, les ( pour )suivants sont cent mètres derrière. Il se plaint. “On n’avance pas. 20 km/h sur le plat, non mais” ! Lorsque “le Cardinal” lui faisant remarquer qu’au contraire, la moyenne est de 23,5 km/h, il réplique que c’est bien ce qu’il dit : “on se traîne” ! Au kilomètre 140 des 230 prévus, “le Phoque” attrape des crampes aux deux jambes et l’on s’arrête. Plus de “Guerrier” en vue, il revient en arrière avec une bonne nouvelle : “la Cheville” n’est pas loin et bientôt, on fait halte pour se restaurer des boulettes du “Boulix”. Au kilomètre 166, “le Phoque” dont c’est la journée, crève un pneu. “La Cheville” l’embarque, dépasse le peloton qui aperçoit “le Phoque” à ses côtés, tout sou-rire derrière sa chope. Y’a du rififi dans l’air et quelques doux noms sont même échangés à propos de ceux qui sommeillent sur leur vélo. Au kilomètre 191, l’on retrouve “la Cheville” et “le Phoque” ou “le Phoque” et “la Cheville”, bière à la main. Ce qui donne des idées à certains.

Résultat de l’étape : on a mis dix heures pour parcourir 230 kilomètres donnant ainsi raison au “Guerrier”. Du coup, l’ambiance est mi-figue, mi-raisin. Pas facile d’être en groupe, de concilier les envies et les aspirations de tous. Heureusement, l’amitié est là pour régler ce genre de problèmes.
Frère du “ Guerrier”,Vincent Wehr dit “Monsieur la Rouille” au vu de la couleur de sa mous-tache et son épouse Caro arrivent en renfort dans leur nouveau mobile home. Champagne en l’honneur de l’engin et surtout des premiers tours de roue vers Arles.

Le samedi, les 230 kilomètres vont s’avérer des plus durs. Ils mettront environ 12 heures pour les franchir. “Le Guerrier” a été promu photographe ce qui lui permet en toute bonne conscience de prendre de l’avance. Ils voient des biches, des renards, des lièvres et même, mais sans certitude, un nudiste. Les organismes souffrent, qui les genoux, qui les fesses. L’esprit d’équipe veille et en poussant par-ci, en poussant par-là, ils atteignent enfin le petit village et le petit, mais alors tout petit camping, situé derrière le moulin de Villeneuve-sur-Vingeanne. Panique à bord ! Mais où sont les douches chaudes ? Dans le moulin, pardi ! mais il faut avoir la clef. L’unique resto du coin étant complet, Caro sauve la mise en fournissant riz, pâtes, salades en accompagnement des merguez proposées par le snack du camping. Un repas finalement bien agréable.
Le dimanche, les 215 kilomètres prévus les amènent à Villars-les-Dombes. Il faut beau et après quelques bosses, cela s’aplanit. Petites routes et même à la grande colère du “Guerrier”  “bêtes chemins encombrés de pierrailles”. Il commence à faire chaud et même très chaud. “Le Guerrier” fait miroiter le plongeon rafraîchissant du bord de la piscine pour faire avancer tout le monde. “Le Cardinal”, c’est lui le chef, prend la tête de droit pour mener les 15 derniers kilomètres et découvrir en primeur que la piscine est vide ! Mais, il y a des douches et le champagne pour se consoler. On dîne sur la terrasse ombragée de la pizzeria voisine. Service très lent et extinction des feux à passé 23 h.

Le lundi, il n’y a heureusement que 180 kilomètres au programme. Plus de gros ennuis physiques, sauf pour “le Guerrier” dont les genoux ont souffert de quelque abus de vitesse. Mais en tant que guerrier, il assume et ne se plaint pas. La Bresse et une jolie vallée, le contourne-ment de Lyon où il faut bien prendre son mal en patience parmi les plus beaux paysages qui soient. À Vienne, on tient sa gauche au rond-point pour s’apercevoir qu’il fallait prendre à droite. Le Chef l’affirme mais les autres s’insurgent pour finalement se ranger à son avis. Le relief devient beaucoup plus accidenté et l’on déjeune sur un sommet “à l’ombre du Gros Chêne”.  “La Rouille” et Caro y pique-niquent déjà, table et chaises déployées.
Dernière grimpette où “le Guerrier” se lâche et où “Fifi” cesse d’être aidé pour retrouver ses jambes de vingt ans. Petite pause encore l’après-midi avec glace, panaché, eau, mazout, on se gâte mais on l’a mérité. Final décevant avec de longues lignes droites sur de grands routes et le vent qui se lève.” “Le Cardinal“ pousse sur les pédales, il n’aime pas çà tandis que ”le Phoque” suggère aimablement que l’on aille un peu moins vite. “Le Guerrier” ne rate pas l’occasion de souligner que seul le Cardinal s’excite. Cette fois, il trouve la piscine pleine.
Nouveau repas pizza pour les uns, pâtes que l’on oublie de servir pour les autres. Petit whisky  pour compenser et dodo.

Le mardi, ils ne sont plus qu’à 150 kilomètres d’Arles. Du coup, “le Guerrier” accorde la permission de partir une heure plus tard et “Fifi” gonfle les pneus des vélos, ce qui n’est pas dans leurs habitudes. Petits pains frais pour le déjeuner et vingt minutes de retard. “Le Guerrier” commence à regretter sa bonté matinale.
Jolies petites routes où “Fifi” semble avoir gardé ses jambes de la veille; bon pour le moral à tous. Vingt kilomètres plus loin, “le Boulix” se découvre une roue arrière voilée. “La Cheville” intervient, que ferait-on sans lui ? Un col à l’horizon et “le Guerrier” fidèle à lui-même le prend d’assaut.” Le Boulix” et “Fifi” vont bien. “Le Phoque” monte à son rythme avec “le Cardinal” lorsque celui-ci le largue pour aller dire bonjour à tout le monde. Et de râler. La descente, la plaine et le vent de la mer qui va souffler en continu sans rafraîchir personne. Car, maintenant il fait vraiment chaud comme il peut le faire dans la vallée du Rhône et en Arles. Et toujours le vent qui vous freine alors que le but est si proche. Tous se taisent ménageant leurs efforts et puis voilà qu’Arles est annoncé sur la droite et que le Cardinal fait prendre à gauche, direction Fourques. On frôle la crise de nerfs quand,  après un petit pont, la plaque est là droit devant. Ils s’arrêtent, ils s’embrassent, ils l’ont fait ! Y’a photos.
Boulevard des Lices, ils cherchent la direction de leur camping quand Jean-Marie Séverac passant par hasard, les reconnaît et les met sur la bonne voie. Il les avait rencontrés à Verviers. Vite, vite quelques bonnes bières et l’on enfourche à nouveau les bicyclettes pour être reçus en triomphe par le Comité de Jumelage, les autorités et trinquer à l’amitié. On poursuit avec le dîner, très bon et très convivial où ils ont la surprise de s’entendre appelés par leur surnom et non par leur prénom. “Le Phoque” qui vient de leur être présenté se tient d’une manière remarquable ( ? ) selon ses copains. D’aucuns murmurent à propos du “Cardinal” ; en dehors du vin de messe, il apprécie fort le rosé, qu’il serait aller carillonner à la porte d’une maison à 11 h du soir. Souvenir d’enfant de choeur, sans doute...Dernière coupe de champagne, dernier whisky et tout le monde au lit.
Car le lendemain mercredi, ce fut la visite d’Arles avec les Arènes, le Théâtre antique, la place de l’Hôtel de ville etc. Et puis, ce sera la partie de pétanque tant réclamée où les Verviétois se font battre par les Arlésien(ne)s, ce qui n’est pas neuf. Cadeau de riz de Camargue et d’une bouteille de cognac pour adoucir les adieux. Mais, c’est sûr : “ce n’est qu’un au revoir, les jumeaux”. Fini l’aventure, ils rentrent en pensant déjà à la suivante et aux contacts pris avec les cyclistes locaux. Verrons-nous un club arlésien accomplir le même exploit ?

Mise à jour le Samedi, 07 Août 2010 09:44