Le carnet de Loreta : décembre 2012, quatorzième volet
Écrit par Best of Verviers   
Vendredi, 21 Décembre 2012 19:33

 Loreta, nous partage sans fausse pudeur, avec simplicité, coeur et passion, son carnet de bord, celui d'une femme sur le chemin, là où la montagne se dresse.

Son 14ième volet est à lire absolument, comme les autres lettres qui ont précédé ! 

Comme un cri, elle nous disait : "Il ne faut pas attendre le pire pour s'arrêter et réfléchir un peu à soi.  Je ne suis pas plus forte qu’une autre, mais une espèce d’instinct animal me pousse à me battre de plus en plus hargneusement et ça je ne peux l’expliquer

Lors de son premier échange Loreta se présentait ainsi : "La maladie est pour moi une forme de chance, comme un rappel à la vie".

Tout allait pour le mieux pour moi : j’ai rencontré mon cœur jumeau, je reconstruis ma vie et je suis tout simplement heureuse.
J’ai 2 enfants. Il a 2 enfants. Nous voici famille recomposée de 4 enfants, qui s’entendent très bien.
Je suis née à Verviers et y ai vécu jusqu’en 2000. Pour des raisons professionnelles et amoureuses, j’ai migré vers la périphérie bruxelloise, où je réside encore à l’heure actuelle".

Voici son carnet de bord, quatorzième volet

Il n'y aura cette fois qu'une photo dans ce carnet, mais celle-ci en dit plus que toutes les autres. Merci Loreta (Christophe)

Samedi 1 décembre 2012
Petit souper sympa avec des vrais amis. Jacques et sa douce sont des personnes comme on les aime, sincères, positives et d’agréable compagnie. On a passé une super soirée vraiment sympa. A refaire d’urgence !

Dimanche 2 décembre 2012
Je me réjouissais depuis plusieurs jours d’aller jouer les Saint-Nicolas chez Maud. Râpé…. Je me suis levée avec une tête comme une citrouille, de la fièvre, de la fatigue et tout le toutim. Ca arrive toujours quand on voudrait faire les choses qu’on aime. J’étais si déçue. Mila ne comprend pas toujours le pourquoi des choses. Mais ça sera partie remise.

Jeudi 6 décembre 2012
Retapée et en route vers mes petits soleils, Maud et Mila. On a joué les Saint-Nicolas. On retrouve ses yeux d’enfant, on rit pour rien, on joue à des jeux d’enfants avec une petite fille qui ne demande qu’à croquer la vie. Super après-midi. J’en reviens toujours retapée à 1000%. Moments trop rares malheureusement !

Samedi 8 décembre 2012
En route pour jouer les Saint-Nicolas chez nos autres soleils, Alex, Loïc et Zoé. On a passé un super moment. Je les vois jouer avec leurs jeux électroniques et c’est frustrant de voir à quelle allure ils assimilent la logique informatique. Une nouvelle ère. On doit certainement paraître comme des dinosaures à leurs yeux.

Dimanche 9 décembre 2012
Invités aux 25 ans des Classiques de Marc Ysaye au Botanique. Une super journée. Très fatigante pour moi, mais des rencontres agréables. Revoir des amis, des personnes qui nous tiennent à cœur et des artistes. De plus, nous avons shooté le concert de Layla Zoe. Une petite bonne femme avec des cheveux jusqu’aux hanches, un groove exceptionnel et surtout, un show d’enfer.

J’en avais les larmes aux yeux avec l’impression d’assister à un concert de Janis Joplin. Et surtout, des photos qui lui ressemblent et qui nous ont procuré un énorme plaisir.



Mardi 11 décembre 2012
Contrôle à l’hôpital suivi de la séance de chimio. Je redoute souvent ce jour. Même si je suis optimiste et confiante, je respire enfin quand je vois l’oncologue.

Mais la journée est longue, très longue. Lever à 6 heures, échographie du cœur à 8 heures (te faire badigeonner de gel glacé à 8 heures du matin n’est pas toujours agréable), résonnance magnétique à 9 heures, prise de sang à 10 heures, scanner des poumons à 12 heures, visite médicale avec l’oncologue vers 14 heures….. tout ça pour une super nouvelle.

Rien ne bouge, donc il confirme la rémission. Je n’aime pas ce mot, car je sais que je suis en « suspens », mais aujourd’hui le « suspens » est positif. Malgré tout, je continue les chimios. Avec courage et énergie.

Autre bonne nouvelle : les contrôles auront lieu tous les 3 mois au lieu de toutes les 6 semaines. Ca m’épargnera le stress de l’attente un peu plus longtemps.



Mercredi 12 décembre 2012

12/12/2012….. jour à faire des vœux. Officiellement, le livre est prêt à être envoyé à l’éditeur. Peut-être un chiffre porte-bonheur. On croise les doigts. Demain, on remet notre copie au graphiste. Il quittera définitivement notre maison et fera sa vie.

Quand je tiendrai le livre entre mes mains, je pense que je verserai une petite larme. C’est l’apogée d’un rêve, d’un projet commun. Nous y pensions depuis presque 10 ans et voilà le rêve qui devient réalité. Quelle belle aventure !  J’aurais tellement de personnes à remercier, mais la première à qui je dois ce bonheur est, sans conteste, mon cœur jumeau. Il a su me détourner de ma vie d’avant, celle où j’étais vieille et sans espoir. Il a su me faire prendre conscience de mes capacités artistiques, moi qui n’avais jamais tenu un appareil photo en main. J’ai appris à aimer les gens et apprécier leurs différences, leurs musiques et leurs attitudes.

De la photo, j’ai essayé la peinture, la récupération d’objets, de meubles, la fabrication de bijoux, sans me prendre la tête, juste au gré de mes envies. Ne serait-ce pas ça le bonheur ? Notre regard jumeau ne nous permet quasi plus de différencier le photographe qui a shooté telle ou telle photo. Un cœur jumeau, un regard jumeau…. What else ?



Vendredi 14 décembre 2012

Coup de fil inattendu de l’oncologue en fin d’après-midi. Madame, les résultats de la prise de sang concernant le pancréas ne sont pas très bons. Revenez mardi prochain pour une prise de sang de contrôle ! Oufti, si je m’attendais à celle-là. Pourtant, je fais très attention à ce que je mange, je mange peu, je bois beaucoup d’eau et de thé et, malgré cela, le pancréas s’associe à l’autre saloperie de crabe pour me faire des misères.

Et là, stop les gars. J’ai déjà donné. Colporteurs et autres emmerdeurs, passez votre chemin, je ne suis pas là pour vous. Bon, que fait-on maintenant ?

Le foie va très bien, les métastases s’en vont, mais la pancréatite attend la brèche pour s’y engouffrer. En plus, ils n’arrêtent pas de me demander d’arrêter de boire. Elle est bien bonne celle-là.

J’ai été un Bob exemplaire toute ma vie, je n’aime ni l’alcool, ni le vin, ni la bière, donc je n’en ai jamais bu ou presque pas.

Si j’ai bu 10 verres de vin par an, c’est un grand maximum et encore, je ne suis pas certaine d’avoir pu vider les verres. J’ai eu une cuite à 17 ans et c’est l’unique cuite de ma vie.


Je n’ai pas envie de recommencer les expériences hospitalières d’il y a quelques mois, c’est trop douloureux, c’est le jeûne, c’est l’hôpital quoi. Donc, il faut réagir. Mais j’ai faim moi….. et les fruits et les légumes cuits à l’eau tout le temps, ça commence à me gâver. Mais quand il faut, il faut.


Alors je me suis dit qu’au lieu de vivre ce jour comme si c’était le dernier, pourquoi ne pas le vivre comme si c’était le premier. Comme si on avait tout à apprendre, comme si on était redevenus des bébés dans le ventre de leurs mères, comme si la vie commençait. A essayer. Je vous dirai si ça marche.
Demain, petit souper chez Pierre, le frère de cœur de JM. Ca va être très sympa et cool. J’aime bien Pierre.



Lundi 17 décembre 2012
J’ai assez mal vécu les jours passés. Comme un fil tendu au-dessus de ma tête. Je suis déstabilisée et ça ne m’arrive pas très souvent. Cela prouve, une fois de plus, que je suis un être humain « normal » avec ses joies, ses doutes et ses incertitudes. Mais, petit rayon de soleil dans ma journée, j’ai appelé l’hôpital. Du fait de la langue, je n’avais pas bien compris ce que m’avait dit le médecin. Je vais faire une prise de sang de contrôle demain et puis je rentre à la maison. Les résultats suivront dans quelques jours. Ouf…. Je retrouve mon indécrottable sourire.

Mercredi 19 décembre 2012

L’oncologue m’a recontacté suite à la prise de sang d’hier. OK pour le pancréas, mais pas OK pour les plaquettes. Ce qui me procure une fatigue extrême et des nausées. Re-contrôle prise de sang la semaine prochaine. Si le taux des plaquettes ne remonte pas, on passera à une transfusion de plaquettes.

Jeudi 20 décembre 2012
Aujourd’hui, visite de Maud, Greg et Mila. Je me réjouis, j’ai fait une tarte au sucre. Mais en me levant, des nausées et des crampes d’estomac très fortes. A coup de Motilium, Primperan et Daffalgan, je pourrai tenir le coup. Mila était déguisée en princesse orientale. Elle était très mimi.
Mais, dès qu’ils ont été partis, je me suis couchée, avec un froid intense dans les os. Malgré 3 couvertures, 4 couches de vêtements, je n’arrivais pas à me réchauffer. J’ai dormi, intensément, et… pouf à nouveau sur pied. J’ai vraiment des difficultés à prévoir des activités, mais dans la mesure où j’en suis consciente, pas de soucis.
J’ai eu vent d’un bouquin à acheter. Un philosophe français du nom de Frédéric Lenoir. Le titre est « La guérison du monde ». Je pense que ça doit être assez positif et intéressant.
Ne pas voir les difficultés nous rend plus franc et plus brave. On se fait plus confiance. On y va les yeux fermés. On trouve ses repères, on développe un nouveau sens qui nous permet d’avancer, c’est ce qu’on appelle la force. On ne compte que sur soi. Si on nous parle des difficultés avant qu’elles n’arrivent, on se pose trop de questions et souvent pas les bonnes. La peur de l’inconnu est créée par nous parce qu’on n’aime pas ce qu’on ne connaît pas. C’est vrai pour les situations, les gens.
Ah j’allais oublier…. Demain, c’est la fin du monde selon Maya l’Abeille. On verra bien. Je n’ai rien prévu de spécial, juste me lever comme d’habitude et attendre les ténèbres, qu’on appelle aussi la nuit.
C’est aussi le solstice d’hiver, bonhomme Hiver s’installe pour 3 mois. J’ai aussi une pensée particulière pour un ami qui subit une intervention chirurgicale délicate pour un cancer de la langue. J’allumerai une bougie pour soutenir son combat, comme il l’a demandé. Parfois des gestes tout simples, nous rendent confiance.
…. La fin du monde n’a pas eu lieu. Tant pis ou tant mieux, c’est selon. Je termine mon mois de décembre ici. Je ferai l’impasse sur les réveillons. De toute façon, je n’aime pas trop. Autant fêter Noël au mois d’août autour d’un bon barbecue, non ? Je terminerai l’année par une lettre à mon Père Noël à moi. Il n’a rien du Papé, mais il m’a ouvert les yeux sur la beauté de la vie, il m’a montré ma force et il m’a réveillé. N’oubliez jamais qu’il faut prendre du temps pour soi et pour les gens que nous aimons.

Ne jamais baisser les bras, sauf pour cueillir une fleur ou caresser la tête d’un enfant.

LETTRE A MON CRABE

En 2004, tu as sonné à ma porte. Je n’ai pas entendu le coup de sonnette, alors tu es entré sur la pointe des pieds. Quelques jours ont passé avant que je ne te remarque. Qui es-tu ? Que fais-tu là ? On se connaît ? J’ai vu dans ton regard ricanant que tu allais m’apprendre plein de choses, mais qu’avant de les connaître, je passerais des sales moments. Hou là ! on ne se connaît même pas et tu me traites comme une ennemie. OK. Tu me déclares la guerre ? Je vais me battre. Seul hic, je n’ai jamais appris à me battre, alors je vais m’organiser.


J’ai été voir le Grand Stratège. Il m’a conseillé ceci : si tu veux gagner, il va falloir que tu puises une force énorme en toi. Aujourd’hui, tu ne sais pas où se trouve ta force, alors il va falloir commencer à faire connaissance avec toi-même, connaître les recoins secrets de ta personne et faire un sérieux tri. Quand tu auras appris à t’aimer, à te faire confiance, à te sentir capable de partir au combat, tu auras résolu une partie de la question. Pour bien combattre, il faut aussi connaître son ennemi. Que veut-il ? Jusqu’où est-il capable d’aller ? Quelles sont ses armes et sa stratégie ?
J’ai commencé à visiter ma maison intérieure. J’y ai découvert des choses que je ne soupçonnais même pas posséder. Peut-être mes ancètres les avaient-ils abandonné dans mon grenier pour que je les retrouve un jour ? Pressée que j’étais de tout faire, de devenir un être admiré et idéal, je n’avais jamais pensé à ouvrir la trappe qui montait sous mon toit.

Depuis le temps que j’habite ici, je ne connais même pas les étages de ma propre demeure. J’ai commencé à visiter, à fouiller, à trouver une explication aux choses, à me sentir enfin chez moi et surtout à avoir le courage de jeter aux ordures tout le superflu. J’ai trouvé que la maison n’était pas mal décorée, pourvue du strict  nécessaire, bien meublée et prête à accueillir les amis positifs et souriants. J’ai appris à ne plus avoir peur du noir intérieur, à me faire confiance, à me résoudre à bien entretenir ce petit paradis. Mais…. Il y a un squatter dans la maison. Il est entré à mon insu et s’est installé. J’ai appris à le connaître pour mieux le démasquer. J’ai accepté ce séjour forcé, mais bien décidée à l’expulser le moment venu. J’étais prête à livrer mon premier combat.
Pendant ce temps, il s’est construit un petit nid douillet en mon sein et s’y est installé confortablement. Il a déposé deux grenades à l’entrée pour qu’on ne puisse pas le déranger dans ses déplacements.


J’avais besoin d’aide. J’ai appelé les hommes en blanc, qui ont investigué le nid et ont préféré enlever les grenades avec le plancher pour ne pas qu’elles leur explose à la figure. Me voilà avec une pièce en moins maintenant, mais apparemment tranquille.


Ah que nenni ! Tu t’es réfugié plus loin dans ma maison intérieure, tu es descendu vers la chambre verte appelée « chambre du foie » et tu y as déposé tes petites merdes de métastases. Tu t’es bien assis dessus pour qu’on ne puisse pas les voir. Un peu comme la ménagère qui cache les poussières sous le tapis.
On t’a débusqué saloperie et maintenant je suis certaine que j’aurai ta peau, un jour ou l’autre. J’ai fermé la porte de la chambre à double tour pour éviter que ta curiosité ne débusque d’autres chambres plus accueillantes. Une décancérisation s’est imposée. A coup de produits chimiques, on ne te laissera aucun répit jusqu’à ce que tu saches que tu es toléré, mais pas invité. On ne te lâchera plus. Ca sera toi ou moi.


Saches que tu n’es pas mon ami, que je ne te pardonnerai jamais le mal que tu m’as fait. Par contre, pour rester honnête, je voulais te remercier de m’avoir ouvert ma maison intérieure. Tu ne savais pas que ça me donnerait une force extraordinaire et que tu ne me ferais plus jamais peur. Je ne t’aime pas, mais je vis à tes côtés. J’ai enfin trouvé la chaudière de ma force intérieure. Elle est inépuisable. Elle est ma seule ressource.


Alors, quand je t’entends ricaner dans ton coin, je te souris… tout simplement. C’est une de mes armes. Je te saperai le moral, je te détruirai. J’y mettrai tout mon art.
Alors, un bon conseil. Si tu veux finir ta vie tranquille, sors de ce corps avant que je ne t’explose d’un sourire en plein cœur.
Tel est mon souhait pour les années à venir. Celui qui me privera du bonheur, du moment présent, des gens que j’aime n’est pas encore arrivé sur cette terre. Alors, un crabe, tu penses…. Je te souhaite le meilleur pour toi en 2013…. Finir en surimi à la mayonnaise dans un sandwich !

Et on termine par la formule traditionnelle…… valable pour 2013 ….. TAKE THE BEST, FUCK THE REST !!!!

Mise à jour le Vendredi, 21 Décembre 2012 19:50