Le carnet de Loreta 14 au 26/11/2011
Écrit par Loreta Mander   
Dimanche, 27 Novembre 2011 14:17

Loreta, nous partage sans fausse pudeur, avec simplicité, coeur et passion, son carnet de bord, celui d'une femme sur le chemin, là où la montagne se dresse

Comme un cri, elle nous disait : "Il ne faut pas attendre le pire pour s'arrêter et réfléchir un peu à soi. Je ne suis pas plus forte qu’une autre, mais une espèce d’instinct animal me pousse à me battre de plus en plus hargneusement et ça je ne peux l’expliquer."

Lors de son premier échange Loreta se présentait ainsi : "La maladie est pour moi une forme de chance, comme un rappel à la vie.
Tout allait pour le mieux pour moi : j’ai rencontré mon cœur jumeau, je reconstruis ma vie et je suis tout simplement heureuse.
J’ai 2 enfants. Il a 2 enfants. Nous voici famille recomposée de 4 enfants, qui s’entendent très bien.
Je suis née à Verviers et y ai vécu jusqu’en 2000. Pour des raisons professionnelles et amoureuses, j’ai migré vers la périphérie bruxelloise, où je réside encore à l’heure actuelle".

Voici son carnet de bord 


Lundi 14 novembre 2011

1ère page de mon carnet de bord qui va suivre mon chemin pendant quelque temps. Maintenant, que vous connaissez mon histoire, vous allez m’accompagner, une sorte de Newspaper’s reality…. La connerie en moins ! enfin j’espère. Ce n’est ni de l’exhibitionnisme, ni de la « mise en avant », simplement un partage de ma route….
Depuis mes hospitalisations, je n’arrive pas à remonter la pente, à retrouver le sourire, à booster mon énergie. Pourtant, le soleil brille dehors, mais je n’ai pas le courage d’aller m’y frotter. Je ne me sens pas super bien. Je ne mange pas beaucoup, ça ne passe pas bien. Les démangeaisons m’empêchent de bien dormir la nuit. Bref, c’est pas le nirvana !!! Il faut absolument que je débloque mes chakras entre le cou et l’aine, il n’y a plus aucune énergie qui passe. Et comme j’ai peur de manger et d’avoir mal, je pense que je crée mes propres blocages. Pourtant, il faudrait que je sois en forme pour entamer mon nouveau traîtement. Assez bizarrement, le fait d’avoir fait le choix du test clinique aurait tendance à me donner une envie folle de me surpasser. Etre fatiguée, ça ne me correspond pas, mais mon corps me dit stop, donc j’obéis. Je pense que la route va être difficile et longue mais je suis confiante dans les résultats. Ca n’est pas possible de se battre si fort depuis 7 ans pour laisser tomber. Vas-y ma Pepette, tu vas y arriver (ça c’est ma petite voix intérieure qui m’encourage !). Le programme des différents examens est fixé (petscan, scanner, prises de sang, bilan global). Il faut que mes résultats hépathiques soient bons, sinon je n’aurais pas accès au traîtement. Aujourd’hui, j’avoue que pour la première fois depuis 2004, j’ai cru que je ne sortirais pas de l’hôpital. Heureusement que mon cœur jumeau est là pour me soutenir. Jeune retraîté, il n’aura pas eu une entrée en matière très agréable, mais comme on dit, c’est pour le meilleur et pour le pire.

Mardi 15 novembre 2011

En ouvrant les yeux ce matin, je vois le soleil doux d’automne. Je suis heureuse. Il me sourit et je sens que ça va être une super journée. J’ai bien dormi, pas de démangeaisons, donc le pied ! Une super balade en amoureux avec monsieur mon amour. Que les couleurs sont belles. Une pluie de feuille parsème notre parcours.  Une petite sieste, car ça me fatigue un peu et on repart. Envie de faire plaisir, je fais un vrai bon chocolat chaud (comme celui de ma grand-mère) avec un morceau de cougnou. Non pas pour moi, forbidden, mais le plaisir que je mets à le préparer devrait lui donner un goût à nul autre pareil. J’aime faire plaisir à mon homme. Il a toujours été là. Il m’a toujours encouragé et cru en moi. Quand je voulais baisser les bras, il prenait mon bras comme une béquille et me poussait à rester debout. Et pourtant, le parcours est aussi difficile pour lui que pour moi. Un peu comme quand ton enfant est malade et que tu aimerais prendre une partie de sa souffrance pour le soulager. Toi, tu vis ta situation, tu la ressens. Mais comment peux-tu imaginer la souffrance de l’autre. D’autant plus que, la plupart du temps, pour ne pas faire de peine, je minimise, c’est ainsi plus facile à partager. Au début de la maladie, ce qui m’a paru le plus difficile et le plus cruel a été de savoir comment l’annoncer aux gens que j’aime. Avec Jean-Marie, ça a été simple parce que je savais qu’il comprendrait, le coup de canon passé, et qu’il me soutiendrait. J’ai voulu le cacher à mes enfants Maud et Arnaud et mes enfants d’adoption, Brenda et Thomas. Jean-Marie m’a demandé, à ce moment, si je réalisais bien. Aurais-je aimé que ma mère me cache une telle nouvelle ? J’ai eu beaucoup de mal à prononcer le mot cancer. J’ai un peu minimisé, mais ils n’ont pas été dupes. Et, aujourd’hui, je suis heureuse qu’ils partagent et qu’ils me soutiennent. Quand je vois mes petits-enfants, même si je suis une nonna très occupée et peu présente pour eux, j’ai envie d’aller de plus en plus loin pour les voir grandir, pour qu’ils me parlent de leurs premiers flirts, pour qu’ils me confient leurs secrets, pour les voir tout simplement avancer dans la vie. Mila, Alex, Loïc et Zoé…. Vous êtes aussi mon avenir. Quand nous parlions de notre future retraîte avec Jean-Marie, on ne l’avait évidemment pas envisagé ainsi. Notre passion pour la photo, le soleil, la liberté nous ouvrait des horizons, dont l’infini serait la limite. Je voulais visiter le Canada, rencontrer des indiens (des vrais !). Tout cela restera du domaine du rêve, en tout cas pour le moment. Mais les rêves sont doux et il faut les entretenir. Ils sont un but à atteindre, même si le Canada est à Spa. Certains m’ont posé la question : mais quel est l’intérêt d’étaler ta vie sur un réseau social ? C’est un incitant à la réussite, c’est une façon de partager ce qui ne devrait jamais être…. La maladie, c’est pour conscientiser les femmes à se faire dépister le plus tôt possible et ne pas négliger leur santé comme je l’ai fait. Et puis, j’ai l’impression que si je publie, j’aurais encore plus envie de réussir. Pensez-en ce que vous voulez, de toute façon, j’ai appris à me blinder, à suivre mon instinct. Je suis une grande fille qui sait ce qu’elle fait. Je tourne la tête et je vois le soleil qui se couche, tendrement, lentement. La journée a été bonne, une de plus…..

Jeudi 17 novembre 2011

J’ai passé 5 heures à l’hôpital. Premiers examens avant d’entamer le test, le petscan. Mais je ne savais pas qu’il fallait faire une injection de produit et attendre 2 heures avant l’examen. Encore du temps perdu à me ballader dans les couloirs et faire des mots croisés dans la salle d’attente. En fait, il m’ont d’abord fait un bodscan et puis un petscan (20 minutes les bras en l’air, c’est gai !). Demain, nouveau rendez-vous à 11h pour un CT scan du cerveau. Par acquis de conscience, j’ai appelé Hilde, la médecin responsable du programme test pour voir quelle serait la suite des événements et là….. boum une petite déception. Etant donné que j’ai appris le néerlandais à l’hôpital. Par nécessité, puisque pratiquement aucun médecin et infirmière ne parle le français, j’ai appris le néerlandais pendant mes 6 années de traîtement. Ce qui m’a souvent poussé à dire que je n’allais pas suivre un traîtement, mais que j’allais à mes cours de néerlandais. Ca, au moins, c’est positif. Mais, c’est vrai que je ne possède pas toutes les finesses de la langue de Vondel, et parfois certains détails m’échappent. Pour le test, ils inscrivent un nombre de volontaires 3 fois supérieur au nombre de tests disponibles. Chacun doit réunir toutes les conditions, mais, au final, un ordinateur tire au sort les « heureux élus ». Vu la chance que j’ai dans les jeux de hasard, tu vas voir que je ne serais pas retenue. Les labos proposent donc aux 2/3 « non élus » un autre traîtement gratuit, mais plus traditionnel Il se pourrait que j’accède au traîtement Navelbine/Herceptin, mais ça ne m’intéresse pas. TDM1 = une injection de 90 minutes toutes les 3 semaines, ce qui me laisse du temps pour avoir une vie sociale entre les prises et, en plus, si il n’y a pas d’effets secondaires, encore mieux. Navelbine/Herceptin est plus contraignant : injection jour 1 + injection jour 8 + 1 semaine sans. Ca veut dire que je dois y aller 1x/semaine, sauf la 3° semaine et, en plus, il y a des effets secondaires que je connais trop bien : nausées, vomissements, diarrhées, perte des cheveux possible (et ça j’ai déjà donné).  Je n’ai pas du tout envie de revivre ma toute première chimio qui a été très dure avec son cortège d’emmerdements : perte des cheveux, aphtes, diarrhées, démangeaisons, nausées et vomissements, sans compter une fatigue inextricable. De plus, avec celui-ci, je dois aller à l’hôpital plus souvent, ce qui ne me laisse plus de place pour une vie sociale active. Donc, on verra. Je croise les doigts et j’envoie mes ondes positives à R2D2 pour que mon nom soit dans la liste. Je le saurai lundi prochain. D’ici là…. Inch Allah !
Lundi prochain, tests cardiaques et prises de sang, mais je pense que si je n’ai pas accès au TDM1, je refuse l’autre chimio. J’ai encore des solutions de remplacement. La nuit porte conseil (et le week-end aussi), donc pas de stress, on verra bien.

Vendredi 18 novembre 2011
Encore une escapade à l’UZ Leuven. Festin de la journée : scanner du cerveau. Bon, maintenant qu’ils ont scanné de haut en bas, on va enfin pouvoir faire le point.
Lundi prochain, tests cardiaques et prises de sang, mais je pense que si je n’ai pas accès au TDM1, je refuse l’autre chimio. J’ai encore des solutions de remplacement. La nuit porte conseil (et le week-end aussi), donc pas de stress, on verra bien. Je croise les doigts et j’envoie mes ondes positives à R2D2 pour que mon nom soit dans la liste. Je le saurai lundi prochain. D’ici là…. Inch Allah !
L’après-midi a été très agréable. Avec mon cœur jumeau, nous sommes retournés dans des anciens fichiers photos. Carnaval de Venise 2004 et 2005. On refait une galerie autre que musicale et certaines photos promettent de beaux travaux. J’aime ces moments de partage avec lui.


Lundi 21 novembre 2011
Lever à 6h et en route avec JM vers l’hosto (décidément, ça devient ma seconde résidence). 8h : prises de sang – 9h30 : examens du petit cœur – 11h : rv avec l’onco pour voir si c’est OK pour le démarrage du TDM1. MAIS…. J’ai toujours aussi mal à la vésicule, je ne mange pratiquement plus rien, je ne digère rien, donc même pas la peine de penser à un quelconque traîtement pour le moment. Autant dire que l’ordinateur me rejette immédiatement du test avec une chance supplémentaire dans un mois. On doit rêgler mon problème. Maintenant. Depuis dimanche, je dors toute la journée, je suis si fatiguée.  On décide de refaire une écho du foie. Et là, ma fée, ma princesse qui manipule si bien le manchon barbouillé de glu qui te salope tout l’estomac, tu as trouvé la faille…. Infection générale de la vésicule biliaire. Ouf, c’est pas vraiment une super nouvelle, mais c’est une nouvelle qui fait du bien, puisqu’après 2 séjours à l’hosto en 2 semaines…. Me revoici hospitalisée sous antibiotiques très forts. Donc, je dors, je dors et je dors encore. Bien que le prix de la pension rejoigne le coût d’un 5 étoiles, comment dire, au niveau bouffe, ça me rappelle un peu la colo. Mais on fait contre mauvaise fortune bon cœur et on finit par trouver ça très bon. Et puis, dans tout ce brouhaha, une autre nouvelle quand même, j’ai perdu 8 kilos. J’aurais préféré les perdre après un régime, mais bon ils sont partis. Si, après 3 jours, l’antibibi ne fonctionne pas, on enlève la vésicule. De toute façon, il paraît qu’on vit bien sans. Encore quelque grammes en moins. Voici les dernières nouvelles du front. Je reviendrai quand j’aurai du neuf à raconter.

Jeudi 24 novembre 2011
Comme il ne s’est rien passé de spécial entre les prises de sang, la prise de tension et le thermomètre à 5h du mat’, la bouffe immonde (et pourtant je ne suis pas difficile), la voisine de lit qui est un vrai moulin à paroles (en flamand en plus), l’autre qui vomit et qui gémit, on peut dire que tout est normal. Ma nuit est faite de bruits de pas dans le couloir, de porte coupe-feu (près de la chambre) qui s’ouvre et se ferme constamment, de bruits incongrus (il paraît qu’on appelle ça comme ça), d’infirmières qui se passent les dernières infos et de changement de baxter, on peut dire que RAS  - tout va bien !!!! Mais on s’habitue. Mais est-il possible qu’il y ait un Dieu pour accepter toute cette souffrance et cette misère humaine ? Certains sont confiants, certains complètement exténués et d’autres, habillés, qui essayent de tenir debout, tant bien que mal, mais fiers.  Nous essayons tous de préserver cette intimité, mais pas simple et puis nous sommes tous dans la même galère. Heureusement, il y a des infirmières qui essayent de tailler une petite bavette avec chaque malade, mais elles n’arrêtent pas une seconde. A devenir fou. Et dire que c’est un métier si peu considéré, à côté des salaires de certains médecins. Plein de leçons d’humilité. J’ai retrouvé ma jolie jeune fille de 17 ans dont j’avais partagé la chambre il y a 3 semaines. Ses yeux reflètent l’espoir et la dignité. Son sourire est contagieux. Son petit copain vient le matin vers 6h, se glisse dans son lit près d’elle (on dirait deux oisillons dans leur nid) et il revient vers 19 h jusqu’à 22h. Quelle preuve d’amour.  Parce qu’affronter la maladie de son amie à cet âge, c’est de la haute voltige. Un amour qui durera peut-être mais qui aura laissé pas mal de traces positives.  Parfois, en passant devant une chambre, en voyant le corps décharné d’une femme qui dort abattue par toutes ces saloperies qu’on injecte, je me demande à quoi elle pense. J’aimerais lui tenir la main, lui communiquer mon énergie, lui dire que tout va bien aller, mais qu’il faut se battre. A vue d’œil, ses forces l’ont quitté temporairement ou définitivement. Je pense que je vais arrêter là, parce que je tombe dans le mélo et le but de mon carnet de bord n’est pas celui-là. Je veux rester positive, y croire et me dire que l’impossible devient faisable pourvu qu’on y croie. Malgré tout cela, je me suis réveillée ce matin avec une pêche d’enfer. Pourquoi ? Sais pas. Il y avait du brouillard pourtant, mais je voyais mon cœur ensoleillé. Il y a des jours comme ça.

Samedi 26 novembre 2011

Aujourd’hui, je me sens revivre. Comme une énergie en moi qui revient. Je suis de bonne humeur. Ils m’ont débarrassé des baxters sur le » petit pal à roulettes qui fait du bruit quand tu te réveilles la nuit pour aller aux toilettes ». Je continue les antibiotiques par voie orale et lundi, j’attaque le scanner du foie + « normalement » la chimio. Pourvu que le TDM1 soit tiré au sort. Je croise les doigts, mais j’y crois. Hier, j’ai eu la visite de Inge, toujours aussi positive, toujours aussi douce. Elle me fait beaucoup de bien. Puis de Franceska. Elle, c’est un numéro ! Une ancienne collègue de chez Lexmark, qui a perdu sa sœur cadette il y a 7 ans de cette putain de maladie et qui, chaque année, fait son voyage initiatique sac au dos. C’est une vraie, une sincère. Je l’aime beaucoup. Depuis quelques années, je demande à chaque ami qui part dans un pays lointain, de ramasser pour moi, une petite pierre sur son chemin et de me la ramener. Et si, en plus, ils ont pu la charger d’énergie avec des êtres qu’ils ont croisé et qu’ils ont trouvés extraordinaire…. Encore mieux. La collection commence à s’étoffer. Une pierre d’un temple thailandais de BJ, une pierre du machu picchu et de Bolivie de Franceska, d’autres sont encore en transit la corse avec Anne et le Bouthan de Franceska. Alors, je ne sais pas si c’est une cause à effet : j’ai tenu la pierre du machu picchu entre mes mains pendant quelques minutes, Franceska avait de l’énergie à revendre, j’ai eu tout d’un coup froid comme si j’avais une grosse grippe. Alors que la température de la chambre est très élevée, j’avais 5 couvertures et je grelottais, mais le thermomètre n’affichait que 36°8 !!! Ils m’ont injecté un fébrifuge et ça s’est calmé. Après cela, j’ai ressenti mon énergie circuler en moi, j’ai commencé à avoir très soif (alors que je n’arrivais pas à boire depuis plus de 15 jours), j’ai dormi comme un bébé et le matin, j’ai pris un bon petit-déjeûner (alors que je ne manger pratiquement rien depuis 15 jours). Qu’en penser ? J’ai mon opinion et je suis très attentive aux influences naturelles extérieures. En tout cas, la pierre m’a parlé et ce matin…. Grosse gnaque !
Je souris parce qu’il y a deux mamies deux chambres plus loin que la mienne. On dirait deux jumelles et elles ressemblent à Madame Adolphine, la copine de Benoît Brisfer (Peyo) mais sans le chignon et le chapeau, puisqu’elles sont glabres. Elles sont rigolotes comme des Mère Noël, des petites lunettes rondes. Elles parlent toute la journée. De quoi ? de leur recette de bûche, de comment elles font disparaître une tache de graisse sur un carrelage…. C’est trop drôle !
Fin d’une étape….. Je reviendrai lundi pour la suite, mais en chimio mode ce coup-ci !

Mise à jour le Dimanche, 27 Novembre 2011 14:31