Mymy, de toi à moi, de Tchèt volant à Tchèt interstellaire, Bon Voyage…
Écrit par Nathalya Anarkali   
Vendredi, 26 Août 2016 23:57
  Il y a quelques jours l’Italie était frappée par un tremblement de terre qui a fait de bien trop nombreuses victimes. C’est une secousse d’ordre émotionneI qui m’a poussée à reprendre la plume féline pour rendre hommage à quelqu’un qui était relié à cette Italie aujourd’hui en deuil. Il y a déjà bien longtemps que ce ‘tchèt volant’ n’a plus contribué à sa rubrique de Best of Verviers. Bien des choses se sont passées depuis le dernier texte en date, sur la commémoration de la Shoah à l’Université de Grenade. Certaines heureuses, et certaines tristes. Parmi les nouvelles heureuses se trouve mon déménagement dans ce Nouveau-Mexique étasunien dont j’avais déjà parlé à plusieurs reprises au fil des lettres des tchèts. Toutefois, les départs sont un peu compliqués à vivre après avoir passé de longues années dans un lieu, même si ce lieu, l’Espagne en l’occurrence, n’est pas le lieu de naissance. Partir c’est mourir un peu, dit-on, et parmi les tristes nouvelles pendant mon long silence « bestofien » figurent la mort de l’organisatrice du séminaire de commémoration de la Shoah, ma chère collègue Marie-Claire Romero, quelques mois seulement après la mort de son propre compagnon. Et il est loin de s’agir des seuls décès de personnes de mon entourage depuis lors. La dernière en date m’a été communiquée le dimanche 7 août, et j’ai éprouvé le besoin d’en faire part ici sur la page de ma ville natale, car la personne qui nous a quittés était aussi originaire de Verviers. Après en avoir demandé la permission à son compagnon, me voici donc en mesure de vous livrer, en quelques mots, qui était cette personne partie bien trop tôt.

Il y a environ deux ans, je pense, elle et moi avions envisagé la possibilité qu’elle devienne aussi un « tchèt volant » en sa qualité de chat envolé de la portée verviétoise... Modeste  comme à son habitude, elle avait émis des doutes quant à sa réelle qualité d’expatriée vu qu’elle n’habitait « qu’à Paris ». Les circonstances n’ont pas voulu que tu deviennes ce chat volant qui aurait pu ajouter sa plume à la volière féline de la rubrique « Nos Gens ». Pour paraphraser La Fontaine, je suis sûre, moi, que ton ramage ou verbiage via cette plume se serait plus que dignement rapporté à ton plumage particulier, ton œil de photographe. Alors permets-moi de t’attribuer les qualités de tchèt volant vervitwès à titre posthume, Myriam Blaise. Je suis aussi extrêmement honorée de savoir qu’un autre texte que j’avais rédigé depuis le Nouveau-Mexique a été lu sous la coupole du Père Lachaise par une autre Verviétoise s’étant déplacée jusqu’à ton Paris adoptif pour un dernier hommage.

Mymy et moi étions originaires de la ville qui unit rédactrice et lecteurs, mais c’est à Bruxelles que je l’ai connue, quand nous avons entamé des études de traduction et interprétation à l’ISTI. Notre qualité d’étudiantes « provinciales » nous avait aussi fait partager le même lieu de résidence pendant nos semaines de cours au fil des années passées « dans la capitale »: l’Internat de Berkendael, Square de Fré à Uccle. Des centaines d’heures passées à refaire le monde, étudier, faire des virées à la Grand-Place, rire et faire les folles, baliser lors des « blocus », tomber d’inanition lors des mémorables -et non vénérés- soupers « pain-radis-fraise », partir tôt le matin à travers bois pour rejoindre le lieu de notre formation... Tous les week-ends, on chaussait aussi notre casquette de « navetteuses » pour se retrouver dans le train nous ramenant à « Vervî ». Ramener… Voilà un mot dont on pèse tout le poids de la polysémie maintenant, ou en tout cas des différentes interprétations qu’on peut en faire. Car non, rien ne pourra plus te ramener « physiquement » auprès de ceux qui t’aiment, Mymy, mais quand on a mal, on s’accroche à tout, comme un naufragé à trois centimètres de bois flottant à la dérive dans une eau glacée et menaçante. Ce train d’acier qu’on a emprunté si souvent ensemble de par le passé s’est mué aujourd’hui en train de pensée émues et de souvenirs heureux des années qu’on a partagées. Le caténaire et ses éclairs sporadiques me semble reproduire à échelle géante les synapses véhiculant nos pensées, et, j’en suis sûre, c’est aussi l’illustration symbolique de l’esprit qui nous connecte absolument tous, vivants et défunts,  créant un réseau gigantesque de sensations partagées et pensées perçues à demi-soupirs.

Je te sens, ce soir, lire par-dessus mon épaule en te demandant ce que je vais bien pouvoir écrire… Ça fait longtemps qu’on ne se voyait plus, très longtemps, la dernière fois, je pense à l’ISTI, pour un dîner de Noël quand nous étions « anciennes » depuis peu. Mais on avait gardé voire cultivé quelques points communs, en tout cas en nos qualités de profs, traductrices et voyageuses… D’élève à l’ISTI bruxellois tu es devenue professeure à l’ISIT parisien, comme par un jeu magique de miroir où les lettres des lieux de savoir se seraient précipitées dans un jeu de Boggle farceur. Tu étais traductrice aussi of course, formation oblige, mais même si ta maîtrise des langues n’était plus à prouver, ce que tu traduisais le mieux, ma belle, c’étaient les sentiments des gens et la beauté du monde à travers tes instantanées. Ah ! Combien, par tes yeux et ton objectif, tu embellissais ce vaste monde que tu parcourais sans relâche avec le Prince Charmant que tu avais longuement attendu avant d’enfin trouver là où il se cachait ! Vos voyages ont fait rêver des centaines de personnes, parmi lesquelles je me compte. La façon dont tu rendais (un autre verbe à la polysémie insistante) la magie de l’instant n’avait pas son pareil. Et je me souviens avec fierté qu’un compliment de ta part pour une de mes photos était un honneur indicible…  Ton Prince Charmant m’a confié qu’un jour tu avais pensé avec tristesse que si tu n’étais plus, ton mur Facebook ne serait plus non plus… Et bien c’est tout le contraire ma belle, il est notre lien à toi où que tu sois, notre cordon argenté qui nous relie à notre petite fée, là où on peut passer des heures à contempler les instantanées du bonheur et ton amour des gens et du monde.

Tu me manques vraiment beaucoup, Mymy, mais grâce à ces images sur Facebook et ce superbe site perso (*) dont on avait parlé alors qu’il était un projet non-encore enfanté, tu continues de nous faire voyager avec un talent sans pareil. Alors, maintenant que tu as rejoint le ciel et quelques-unes des stars qui nous ont aussi fait faux bond cette année, comme ton David Bowie adoré, continue de mitrailler de tes grands yeux tout ce qui bouge ou reste coi, pour souffler vers nous, ici-bas, un peu de la poussière d’étoiles, qui ont ce soir plus d’éclat depuis que je t’y vois. Et je sais que si j’écoute très, très attentivement,  j’entendrai le carillon de notre bonne ville sonner et fredonner à mon oreille les paroles quelque peu modifiées de son vieux chant familier : Ah por mi djus sos fîr, quand djsos à l’estranjîr, d’aveu sutu camaråde avou l’binamèye fame qu’vos estez .

 

 

If we chose to call you “Mymy”, maybe it is because once we met you, it was too late : within you there would always be some of the « me » clinging to a piece of your heart, this heart and all the chunks of ours that you took away on your last journey. Rest in peace. Repose en paix.

(*) Pour ceux et celles qui désirent voir le monde à travers les yeux de Mymy, c’est par ici que ça se passe : http://www.myriam-blaise-photos.com/