Deux sous dans la fontaine
Écrit par Albert Moxhet   
Dimanche, 04 Décembre 2016 17:28

Conte de partage

d’Albert Moxhet et Dominique Hermans

 
Le gamin avançait lentement entre les panneaux de l’exposition. Son regard ne parvenait pas à se détacher de ces grandes photos en noir et blanc qui montraient de vieilles fermes, des animaux qu’il connaissait : chevaux, vaches, poules. Des gens aussi, hommes, femmes, enfants travaillant dans les champs, mangeant en groupe près d’une haie, jouant au bord d’un ruisseau, … Des images d’un autre temps, à voir les vêtements, les outils, le matériel agricole, ces meules de foin dont on lui a dit qu’elles ont été remplacées par les grosses balles cylindriques sous plastique.

Ce temps-là, son grand-père l’avait encore connu lorsqu’il était enfant. «  Lorsqu’il avait mon âge, sans doute. » Pensif, le gamin revoyait son grand-père qui lui avait réservé un carré dans son jardin pour qu’il puisse tout seul y faire pousser des radis, son grand-père qui lui avait raconté l’histoire des Sotês qui avaient habité la grotte qui s’ouvre près de la rivière et devant laquelle ils étaient passés lors d’une grande balade. Son grand-père qui, comme les Sotês justement, bricolait si habilement…

 


 

Un coin de l’exposition était plus particulièrement consacré au thème de l’eau. Près de quatre ou cinq chaises, on y avait aménagé, dans une sorte de vieux coffre, une fontaine dont le gargouillis avait déjà attiré d’autres enfants de la classe en visite. Le gamin s’approcha et vit quelques pièces de monnaie luire au fond de l’eau.

- Pourquoi, M’dame, on met des sous dans l’eau ?, demanda-t-il à la dame qui les avait accueillis dans l’exposition.

- C’est une vieille coutume, vois-tu. On jette une ou deux petites pièces de monnaie dans la fontaine en faisant un vœu.

- Et ça marche ?

- Si on y pense très fort et qu’on se met dans le bon état d’esprit, ça doit pouvoir se réaliser.

- Je peux essayer ?

 - Mais oui, bien sûr, tu peux, lui dit gentiment la dame en lui glissant deux petites pièces cuivrées dans la main.

Fermant les yeux pour mieux se concentrer, le gamin lança les deux sous dans la fontaine, puis alla s’asseoir.

- Qu’est-ce que t’as souhaité ?, lui demandèrent ses copains.

- Est-ce qu’on peut le dire, Madame ?

 - Si tu le veux, tu peux.

- Que mon papy ne soit plus mort, qu’il revienne.

- Ah oui, ça ce n’est pas facile. Mais, tu sais, reprit la dame avec un sourire encourageant, ton papy ne t’a pas vraiment quitté. C’est vrai, tu ne le verras plus. Mais tout ce qu’il t’a appris reste à l’intérieur de toi et grandira avec toi. Alors, on peut dire que ton papy sera toujours avec toi.

Un moment de réflexion… et un petit sourire se marqua sur le visage du gamin. Il se leva, serein, et s’en alla rejoindre ses copains.

Mise à jour le Dimanche, 04 Décembre 2016 17:45