La fille du Pape, de Jacques Dessaucy
Écrit par Albert Moxhet   
Mercredi, 28 Juillet 2010 18:02

Le titre de ce roman peut paraître accrocheur, voire scandaleux aux yeux de certains, qui s’imagineraient une nouvelle Lucrèce Borgia. Il n’en est rien, il s’agit plutôt d’un roman de « politique- fiction » relatif au Vatican, mais qui n’emprunte pas non plus les sentiers ésotériques d’un Dan Brown. 

La personnalité de l’auteur permet d’ailleurs de cadrer le sujet avec beaucoup de cohérence. Verviétois d’origine, fils d’un pionnier de la construction des postes de radio et de télévision, Jacques Dessaucy s’intéressa très tôt aux médias et fut, en 1954, à 17 ans, l’un des fondateurs de Télépro.

Sa carrière de journaliste spécialisé l’a amené à travailler pour des organismes internationaux consacrés aux moyens de communication et avec lesquels il a soutenu des projets résolument novateurs. Par ailleurs, marié et père de trois enfants, il a été ordonné diacre permanent. Il connaît donc très bien les milieux qu’il met en scène dans ce roman. 

Se situant dans un futur proche, le récit peut se lire à plusieurs niveaux : celui de l’intrigue romanesque, bien sûr, avec son côté sentimental et son aspect thriller, mais aussi sur le plan des idées qui remuent à l’heure actuelle la chrétienté et en particulier l’Église catholique.

 

Le point de départ de cette histoire est surprenant, mais canoniquement possible : l’élection comme pape de l’évêque auxiliaire de Strasbourg, Mgr Jean-Pierre Massard, qui n’étant donc pas cardinal, ne participait pas au conclave. Or, il se fait que, vocation tardive, Jean-Pierre Ier a été journaliste, a perdu son épouse dans un accident et a élevé sa fille, Béatrice, qui travaille aujourd’hui dans une entreprise de relations publiques.

Comme on pouvait s’y attendre, le nouveau pape va secouer la routine vaticane, non pas seulement dans les usages de la vie quotidienne, mais aussi et surtout sur des points de doctrine qui demandent depuis longtemps à être réexaminés. Cela fait beaucoup pour un seul homme, mais, en dépit de l’opposition très dure des milieux traditionnalistes, il se sait soutenu par une majorité des chrétiens dans le monde.  

À travers ses nombreux épisodes, organisés sur un mode qu’on appelle aujourd’hui choral, le roman établit un véritable catalogue des réformes attendues par tous les catholiques dont le bon sens se fonde sur le réalisme de notre époque et que souhaitent aussi beaucoup de non-croyants de bonne volonté. C’est ainsi que s’entrecroisent au fil des chapitres des thèmes tels que la décentralisation du pouvoir de Rome vers les Églises locales, les droits de la femme dans l’église, l’ordination d’hommes mariés, l’abandon du faste et du vedettariat papal, la communication, la dégradation de l’environnement, la limite d’âge pour les dignitaires de l’Église, l’œcuménisme et les relations avec les religions non-chrétiennes, …  

Certes, l’œuvre de Jean-Pierre Ier, telle qu’elle apparaît dans ce livre, est comme une sorte de rêve de ce qui pourrait se passer si des structures s’adaptaient mieux à la réalité du côté de la place Saint-Pierre. Mais faire un rêve, c’était aussi le propos de Martin Luther King à propos de la ségrégation raciale aux Etats-Unis et l’on se souvient peut-être que le scénario de politique-fiction dont Stanley Kubrick s’était inspiré pour Docteur Folamour a été, en pleine guerre froide, un élément important quant à l’installation du téléphone rouge entre Washington et Moscou. Il faut rêver…

Et la fille du Pape, dans tout cela ?, me direz-vous. Eh bien, vous verrez qu’elle est la digne fille de son père en étant, elle, le fil rouge de ce roman.                                                                                                       

Albert Moxhet 

 

Info : Jacques DESSAUCY, La fille du Pape, Tenneville, Éd. Memory Press, 2010.         

ISBN 2-87413-138-5    www.memory-press.be

Mise à jour le Samedi, 20 Août 2011 07:24