Des Hommes et des Dieux
Écrit par Jean Wiertz   
Vendredi, 10 Septembre 2010 19:15

  Un film de Xavier Beauvois, avec Lambert Wilson, Michaël Lonsdale, Jacques Herlin… (France 2010) Le film nous raconte le quotidien de huit moines installés dans un monastère situé dans un village de l’Atlas ; ils y mènent une vie austère, parfaitement intégrés à la population musulmane ; entre prières, chants liturgiques, travaux agricoles, ils viennent en aide aux villageois, soignent les malades, vendent leur miel sur le marché local et sont invités aux petites fêtes du village.

Cette vie paisible sombre dans le cauchemar, lorsque des islamistes égorgent des travailleurs croates occupés sur un chantier de construction.L’armée leur offre la protection, mais le frère prieur refuse catégoriquement. Un soir, un groupe armé surgit dans le monastère, mais les moines ne leur fournissent pas l’aide demandée. Faut-il fuir, ou rester sur place, au péril de leur vie ?

 

Le film est inspiré de faits réels survenus en Algérie le 26 mars 1996 ; sept moines cisterciens vivant au monastère « Notre Dame de l’Atlas » furent enlevés par des inconnus ; leurs dépouilles furent retrouvées le 30 mai 1996 près de Médéa, et l’assassinat fut revendiqué par le GIA (Groupe Islamiste Armé).

Pourquoi sont-ils restés ? Le film explore les différentes strates des motivations qui animent ces hommes. D’abord, celle « objective » de l’utilité sociale : ils soignent les corps et les âmes (comme dans cette belle séquence où une jeune fille demande ce que sont les sentiments amoureux).

L’un des villageois leur confie : "La branche, c’est vous, les oiseaux, c’est nous. Si vous vous en allez, où nous poserons-nous ?Mais l’essentiel est ailleurs : le prieur, quasi de manière instinctive, refuse la protection de la police, ce que lui reprocheront ses condisciples, qui auraient voulu un débat préalable. Il s’agit, pour ces moines, d’épouser au plus près la vie du Christ, c’est-à-dire, comme lui, d’embrasser complètement la destinée humaine, d’accepter les tourments de l’histoire, de rester avec les gens.

Cette option est remarquablement illustrée dans la réflexion de frère Christian le prieur :"Notre identité d’homme consiste à aller de naissance en naissance, pour mettre au monde l’enfant de Dieu que nous sommes". Que ceux qui seraient rebutés par cette approche christique se rassurent : il ne s’agit pas de bondieuseries, il s’agit pour ces moines d’un geste de solidarité radicale avec l’humanité.Le film n’est pas un pamphlet politique, la situation en Algérie y est montrée telle que la perçoivent les moines.

Le film est traversé par une multitude de séquences qui pacifient : frère Christian consulte les livres chrétiens et le Coran avant de rédiger un texte, au son de la cloche succède l’appel de l’Imam à la prière, frère Luc soigne un insurgé islamiste…Autre formidable idée : à chaque épisode succède un hymne liturgique chanté par les moines dans la chapelle, qui vient commenter l’évènement et le mettre en perspective.Xavier Beauvois, dont on n’a pas oublié « Le Petit Lieutenant » réussit une nouvelle fois un coup de maître, qui lui a valu legrand prix au festival de Cannes 2010

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Mise à jour le Vendredi, 10 Septembre 2010 20:50