Le Ruban Blanc
Écrit par Jean Wiertz   
Lundi, 02 Novembre 2009 13:25

 Le hasard des sélections du festival de Cannes a fait que la palme d’or a été décernée deux années de suite à des films interrogeant l’éducation des jeunes. En 2008, « Entre les Murs » nous racontait les difficultés d’un enseignant face à un groupe de jeunes en milieu social défavorisé. La situation était-elle meilleure dans les communautés rurales au début du 20ème siècle, lorsque les enfants étaient soumis à un règlement strict ?

La réponse dans « Le Ruban Blanc », palme d’or 2009

Dans ce film (Autriche 2008), le réalisateur  Michael Haneke nous transporte dans un petit village allemand, en 1913, et décrit quelques familles typiques de la vie rurale : celles des notables de l’époque, à savoir le baron, le médecin et le pasteur ; ensuite, celles du gérant de domaine, d'un métayer, et enfin celle, en devenir, de l’instituteur.D’étranges évènements viennent perturber la vie du village, rythmée par les saisons et les cérémonies religieuses : un câble, tendu entre les hautes herbes, provoque la chute d’un cheval et de son cavalier, le médecin, qui doit être hospitalisé ; le fils du baron est séquestré et violemment battu ; une grange est incendiée…

Ni les enquêtes, ni les menaces proférées par les notables, ni les appels à la dénonciation ne permettent de trouver le(s) coupables(s) et d’enrayer le climat de suspicion qui envahit la communauté…

Au fur et à mesure que le récit progresse, des lignes de tension vont se créer entre 2 personnages : d’une part l’instituteur, témoin partiel des évènements qui se produisent, et qui va chercher à les interpréter à partir de ce qu’il a pu en voir ; d’autre part, le pasteur, sanctionnant par des humiliations et des punitions corporelles tout écart à des règles privilégiant un ordre moral et religieux de façade.En résulte une conscience aiguë du péché originel et un sentiment de culpabilité, qui amène par exemple un des enfants du village à mettre volontairement sa vie en danger pour voir si Dieu veut qu’il continue d’exister.

Si la confrontation finale a bien lieu, elle n’apparaîtra néanmoins jamais au grand jour : les réalités sordides seront étouffées par de fausses rumeurs, et par la Grande Histoire (l’entrée de l’Allemagne en guerre) : le couvercle se referme, ouvrant la voie aux grandes mystifications d’un autrefois vertueux.

C’est la première fois que Michael Haneke, habitué à mettre en scène la classe moyenne d’aujourd’hui, s’essaie à la reconstitution historique, et il a fait très fort : son film est tourné en un noir et blanc proche des documents photographiques que cette époque nous a laissés ; ses acteurs, que ce soient les enfants blonds et soumis (environ 7000 enfants avaient été auditionnés), ou les adultes aux visages sévères et fermés, sont en parfaite adéquation avec la représentation que nous en avons par les photos de nos aïeuls.La vie sociale du début du 20ème siècle a été reconstituée avec beaucoup de soin, et on pense en particulier aux savoureuses séquences avec l’instituteur, qui cherche à conquérir sa belle, et qui doit affronter le père de celle-ci.

Fidèle à son cinéma, le réalisateur filme de manière austère, sans musique ; les multiples agressions physiques dans le village, toujours cachées du regard, sont suggérées, ou montrées dans leurs effets.

Un film de près de 2h15, passionnant de la première à la dernière minute

Mise à jour le Jeudi, 05 Novembre 2009 19:48