CHE I et II : Che : l’Argentin et Che : Guérilla
Écrit par Jean Wiertz   
Samedi, 09 Mai 2009 20:08
 

Film de Steven Soderbergh (USA 2008) L’association du réalisateur américain Soderbergh avec l’acteur portoricain Benicio Del Toro avait déjà produit en 2001 un remarquable film : Traffic, qui traitait de la lutte contre les narcotrafiquants à la frontière américano-mexicaine.

Ils ont renouvelé leur collaboration pour nous livrer un film fleuve de 4h30 sur Ernesto Guevara.

 

Il s’agit en réalité de deux films tournés avec du matériel technique différent (image à format large pour le 1er, en numérique pour le second), qui peuvent être visionnés séparément, mais qui sont néanmoins complémentaires, en ce qu’ils décrivent, l’un l’ascension, l’autre la chute de Guevara.

 

Le premier film « Che : l’Argentin » nous raconte l’incroyable épopée d’une quinzaine de rebelles cubains (dont faisait partie le jeune médecin d’origine argentine Guevara) qui parviennent à renverser la dictature de Batista par des opérations de guérilla. Le film alterne les évènements des années 1957-1958 dans la Sierra Maestra et à Santa Clara, avec des interviews et des déclarations du Che à New-York et à l’assemblée des Nations Unies en 1964.

 

Le deuxième film « Che : Guérilla » retrace le parcours du Che en Bolivie, où il rejoint la guérilla en novembre 66, et où il sera capturé et exécute le 9 octobre 1967.Le réalisateur, dans cette œuvre magistrale, cherche à cerner l’homme qu’était Guevara, et non pas le héros romantique ou révolutionnaire véhiculé par les média : les séquences à New-York, où le Che était sous les feux des média sont tournées en noir et blanc, celles en pays cubain et sur les plateaux boliviens en couleurs.

Sur le terrain, à côte des quelques faits d’armes, on découvre un autre visage du Che, dans ce qui faisait la trame de son engagement : les cheminements dans la moiteur de la jungle, les crises d’asthme, la mise en place d’une école et d’un centre de soins dans le campement à El Hombrito, les soins prodigués à la population locale et à ses compagnons d’armes, la constitution de « Radio Rebelde », les marchandages avec les paysans pour se procurer des vivres, les encouragements adressés à la troupe, le recrutement de nouveaux combattants (de nombreux jeunes de 16-18 ans voulaient rejoindre la guérilla), et l’élimination physique des traîtres, des pilleurs qui rejoignaient les guérilleros, car le Che s’imposait, à lui-même et aux autres, une éthique implacable.

Le réalisateur a privilégié une approche cinématographique à la fois riche et inventive, et dénuée de toute dramatisation ; les scènes de combat sont par exemple juste esquissées, ou occultées par ses déclarations à New-York, où il justifie son engagement. De même, l’approche sobre et digne des gestes que pose Guevara pour venir en aide aux populations pauvres des villages qu’il traverse est à l’opposé des images et publicités que nous proviennent de certaines ONG. 

Tout en accordant beaucoup de minutie à la vérité historique, le réalisateur a cependant choisi de faire l’impasse sur les différentes contingences historiques, qui  viendraient réduire la portée du sujet, car malheureusement, les propos du Che sur l’état du monde sont toujours d’actualité.De même, nous n’apprendrons quasi rien de sa vie familiale et sentimentale, ni des raisons qui l’ont amené à quitter  sa situation confortable à Cuba, pour aller se perdre en Bolivie.Le réalisateur nous convie ainsi à une réflexion sur l’œuvre de Guevara, plutôt que de susciter quelques émotions primaires vite oubliées.

 

Ce diptyque, retraçant une destinée humaine qui avait choisi de faire passer le bien collectif avant ses intérêts individuels, se termine par une séquence magnifique (un échange de vues avec l’un de ses geôliers, quelques heures avant d’être exécuté), qui résume à la fois qui était Guevara, et les raisons de son échec.

 

Mise à jour le Vendredi, 08 Mai 2009 06:14