Michel Mohring, histoire d'une passion : les motos anciennes... Ma Gillet
Écrit par Michel Mohring   
Samedi, 18 Décembre 2010 09:08

Ce serait dommage d’avoir  évoqué ma passion des motos liégeoise en parlant des FN et des Saroléa sans vous  conter l’aventure tout aussi réelle à propos d’une Gillet. Le trio est indissociable.   

Il était une fois… une toute vieille moto appuyée contre un mur derrière une ferme à Lierneux . Un mur banal, sauf que celui-ci fait partie de la fosse à purin. L’endroit idéal pour entreposer un engin dont on ne se sert plus. Peut être que la bouse de vache conserve ou que la Gillet  résiste à ce type d’agression naturelle.   Toujours est-il que le fermier me la donne en me souhaitant beaucoup de plaisir.

Un deuxième moteur accompagne l’épave. Hélas,beaucoup de pièces manquent à l’appel. La question est de savoir si hors d’un tas de ferraille il est possible de ressusciter une moto ?

Après mûres réflexions et recherches des morceaux, avec le temps je me dis que le jeu en vaut la chandelle d’autant qu’un petit détail m’inspire. Il faut vraiment la sauver de son sort à cause de la rareté du modèle. En effet personne ne connaît une Gillet à courroie de 1922 équipée d’une suspension à l’arrière, surtout avec des lames de ressorts. (Une adaptation venant du monde de l’automobile).

Gillet se doit d’être innovant, en effet, elle a 20 ans de retard sur ses deux sœurs et rivales puisqu’elle a été créée en1919. Qu’a cela ne tienne, l’ingénieur Fernand Laguesse, vu sa créativité débordante va très vite combler ce retard. Spécialiste du moteur 2temps, il améliore le rendement du moteur avec un piston à forme spéciale et un disque rotatif à l’admission. Ces deux idées seront retenues sur des motos de Grand Prix fin des années soixante avec une couronne mondiale pour MZ.

Ces aspects techniques illustrent le savoir faire de nos herstaliens. Les années 20 sont riches en inventions de toutes sortes dans tous les domaines. Beaucoup de découvertes de ces années là sont toujours d’application de nos jours .

 

 

Afin de promouvoir sa marque et faire de la publicité, Gillet engage fin 1926, 2 motos pour un tour du monde  en traversant la Russie, la Mongolie et l’Amérique . Un périple de  25 000 km  qui valut au modèle, de porter à vie le nom de Gillet « tour du monde »

Quel exploit et quel retentissement médiatique pour notre région !                       

 

 

Revenons à notre Gillet dont l’odeur est toujours nauséabonde. Avant de commencer la restauration, la première phase consiste a complèter l’épave.  Là se situe la partie la plus délicate, car toute pièce manquante doit obligatoirement être recherchée et être d’origine. C'est la raison pour laquelle un remontage dans cet état permet de se faire une idée plus précise de ce que sera la moto finie.

C’est à partir de maintenant que tout commence et croyez-moi quelle aventure. Avant d’enfiler sa salopette, il est indispensable de fouiller dans les archives pour dénicher, la photo, le manuel, l’article dans une vieille revue d’époque chez les amis collectioneurs, bref additionner toute chose concernant la moto à reconstruire.                   


Le troc est , il y a 30 ans, une chose courante. Entre collectionneur un phare s’échange contre un carburateur et un réservoir contre une paire de roues et ainsi de suite.C’est  la raison pour laquelle les caves des maisons de passionnés regorgent de pièces de toutes sortes.
La recherche se mène comme une véritable enquête, il faut du temps, de la patience et parfois échanger des pièces rares et de valeurs contre la petite pièce d’origine mais indispensable. Lorsque après plusieurs mois de recherche, j’assemble pour la première fois ma moto je m’aperçois au premier coup d’œil de la beauté esthétique de cette Gillet.

 


La suspension fixée directement sur l’axe de la roue arrière est étrange, inédite sur une moto, mais jolie. J’espère que son efficacité est à la hauteur de sa beauté, j’ai même de sérieux doute. Je verrais ça plus tard lors de la mise en route. Une chose est sûre, plus la moto est vieille, plus la mécanique est simple et facile à restaurer. La difficulté se cache dans les petits accessoires érodés par le temps tel le phare à carbure,  les manettes en cuivre ou la décoration du réservoir par exemple. Ici aussi la chance ou le hasard me sourit.

Dans le quartier de Saint Léonard juste entre Liège et Herstal, je retrouve un vieux monsieur qui en son temps a travaillé pour Gillet. Il me promet de redécorer mon réservoir à l’identique. Je suis époustouflé du résultat .Du fait main comme à l’époque. Chaque petite pièce est nettoyée, polie ,repeinte avec soin et reprend sa place. De jour en jour on peut s’apercevoir de l’avancement des travaux .Chaque élément reprend sa place. Et pendant que certaines pièces sont en carrosserie d’autres sont au nickelage. Il faut faire de nouveaux rayons, les anciens sont trop érodés, rerayonner n’est pas facile et demande du savoir-faire, et ainsi de suite jusqu’au dernier détail. Tout est une question de patience, d’organisation et de soins.

L’évolution de la restauration suit son cours, l’ensemble commence à prendre forme. Deux ans sont nécessaires pour mener à bien un tel projet. Ressusciter cette moto est un défi personnel motivant qui demande beaucoup de temps de patience, et d’énergie                                                           

 



La mise en marche reste un moment magique empreint d’émotion.

Savoir que 80 ans plus tôt, quelqu’un a roulé sur cette Gillet dans nos Ardennes sur des routes empierrées mérite le respect. Croyez moi cet engin d’un autre âge est capricieux et difficile à conduire. Le levier de vitesse est attaché au réservoir, les gaz sont actionnés par une petite manette, le frein avant est identique à celui d’un vieux vélo et le frein arrière n’est autre qu’un sabot de bois frottant sur une poulie. La transmission est confiée à une courroie qui lorsqu’il pleut se détend et patine dans sa gorge. Vous imaginez aisément la situation.

Quant à la fameuse suspension arrière, si c’est vrai qu’elle amorti les chocs, elle n’empêche pas le dandinement qui envoie la moto de gauche à droite de la route. Encore bien que dans les années 20 la circulation est réduite à sa plus simple expression.

 


Rouler sur un tel engin "préhistorique" est vraiment une question de passion, de folie, ou de garder vivant la mémoire de notre passé motocycliste.

Je pense ne pas être fou. Attaché à ma région certainement ! Atteint du virus de la moto sans aucun doute.  A propos de virus ,je pense que je l’ai transmis à mes enfants. Si le cœur vous en dit, je suis ouvert à toutes discussions sur cette passion. Contactez  moi.

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Mise à jour le Samedi, 18 Décembre 2010 09:32