Le carnet de Loreta : septembre 2012, onzième volet
Écrit par Loreta Mander   
Samedi, 29 Septembre 2012 12:34

Loreta, nous partage sans fausse pudeur, avec simplicité, coeur et passion, son carnet de bord, celui d'une femme sur le chemin, là où la montagne se dresse. Son huitième volet est à lire absolument, comme les autres lettres qui ont précédé ! 

Comme un cri, elle nous disait : "Il ne faut pas attendre le pire pour s'arrêter et réfléchir un peu à soi.  Je ne suis pas plus forte qu’une autre, mais une espèce d’instinct animal me pousse à me battre de plus en plus hargneusement et ça je ne peux l’expliquer.

Lors de son premier échange Loreta se présentait ainsi : "La maladie est pour moi une forme de chance, comme un rappel à la vie".

Tout allait pour le mieux pour moi : j’ai rencontré mon cœur jumeau, je reconstruis ma vie et je suis tout simplement heureuse.
J’ai 2 enfants. Il a 2 enfants. Nous voici famille recomposée de 4 enfants, qui s’entendent très bien.
Je suis née à Verviers et y ai vécu jusqu’en 2000. Pour des raisons professionnelles et amoureuses, j’ai migré vers la périphérie bruxelloise, où je réside encore à l’heure actuelle".

Voici son carnet de bord, onzième volet

 

 
Loreta et Jean-Marie aux Francos 2012
Photo : Rick Mc Pie

 

Dimanche 2 septembre 2012
Départ pour 15 jours de repos et de plaisir…. Ah les vacances ! Même quand on ne travaille plus, on se dit que ce sont toujours des moments privilégiés et magiques. Nous partons pour Villeneuve-sur-Lot, près d’Agen. Des amis nous ont invité à partager quelques jours avec eux dans leur petit paradis. Car, si le paradis existe, ça pourrait bien ressembler à ce petit coin du Lot. Le calme, le calme, le calme…. Un super gîte, des hamacs sous les arbres, Monty le labrador, sympa et fidèle, Agata, le chat et Loustic le cheval. Sans oublier Rosemarie, Alex et Alexa qui nous ont balladé dans des villages superbes. Ca me réconcilie avec le genre humain. Il existe encore des gens qui aiment partager juste pour le plaisir et sans arrière-pensées !!!

Jeudi 6 septembre 2012

Nous quittons ce petit coin pour rejoindre La Palmyre, au bord de l’océan atlantique, entre Royan et La Rochelle. Un coin que j’aime énormément, qui me ressource. Dix  jours de rencontres et de beaux moments. Merci à Vince, Flo, Michel et Fabienne pour leur compagnie. Des gens vrais comme on en rencontre très peu.

Mardi 18 septembre 2012
Retour à la réalité. Aujourd’hui : chimio et scanner. On va voir si la rémission se confirme. Je passe le scanner et là, réaction allergique violente au produit de contraste. J’ai cru crever. La gorge qui enfle, le manque d’air, les démangeaisons et la sensation que la température du corps monte à 100°. Les infirmières paniquent et me branchent le masque à oxygène. Piqûres et tout le toutim pour enfin reprendre mes esprits. Mais là, tout est de suite oublié, puisque mon onco m’annonce les super résultats du scanner. On ne voit plus les métastases, comme la dernière fois, donc tout roule dans le bon sens.
Retour à la casa, mais hyper fatiguée. Je ne sais pas ce qu’ils m’ont donné à l’hôpital mais je suis comme un zombie.

 


 

 

Mercredi 19 septembre 2012
Je me sens bien après ces bonnes nouvelles. Vers 14heures, j’ai des nausées au point de renvoyer toute la marchandise. J’ai froid et surtout, j’ai très mal au ventre. Ca me rappelle les mauvais souvenirs de novembre dernier. J’essaye de tenir le coup, mais c’est trop douloureux. Je décide de me rendre aux urgences. Et là, bardaf, pancréatite. Je déguste. Des couteaux me traversent le ventre par à-coups. Ils me prennent vite en charge et me gardent pour la nuit.

Jeudi 20 septembre 2012
Examens de contrôle. Pancréatite confirmée. Je n’ai plus rien mangé depuis hier et j’ai une faim de loup. Les douleurs ont disparu. Je reçois un yaourt à midi. Pfff qu’est-ce que tu veux que je comble ma faim avec ça, mais bon, ne soyons pas folle et obéissons aux ordres du mandarin tout puissant !
Pour Maud, c’est aussi l’hôpital. Aujourd’hui, on lui fait, ce que j’espère être la dernière greffe. Greg m’a donné des nouvelles. Ca s’est apparemment bien passé et ils attendent de voir le médecin.
Purée, elle et moi, on devrait demander une carte de fidélité aux hôpitaux !
Alors, je me suis quand même dit qu’on peut être vite parti. Tu vas faire un scanner et tu meurs étouffé. Comme quoi, il faut vraiment profiter de toutes les miettes de la vie, aussi infimes soient-elles. Elles sont le ciment de notre avenir.
Quand la vie est là, tout simplement, on la parcourt sans se rendre compte qu’elle est précieuse. On court, on ne prend pas le temps, la routine en quelque sorte. On n’en apprécie plus les choses simples. Puis, un jour, un événement, une maladie, un accident te stoppe et te pousse à réfléchir sur cette vie que tu croyais acquise pour toujours. Puis tu te rends compte que pour un rien, cette vie peut tout à coup basculer. Hier soir, je me suis posée une série de questions : cette pancréatite va t’elle me permettre de continuer à apprécier la vie, quand je ne pourrai plus manger que des pommes, des légumes vapeur et de la dinde sans sauce… Fini le chocolat, la crème fraîche, les barbecues, …. Sniff !!  On dit que la pancréatite peut être mortelle. Ca serait vraiment con de partir comme ça, alors que je me bats depuis 8 ans contre un ennemi bien moins sympathique. Quitte à me répéter, il faut vraiment savourer chaque instant, voir la lumière du matin, apprécier les gens, les moments, les événements. Ainsi on est toujours content de ce qu’on a, parce qu’on sait que c’est éphémère et que ces moments ne reviennent plus. Qu’il faut en créer de nouveaux, aussi doux, aussi bons et bâtir un avenir dont on sait bien plus que quiconque, qu’il peut être très court.

 

Lundi 24 septembre 2012
La greffe de Maud n’a pas pris. Quand tout cela va t’il s’arrêter ? Lors de mon séjour à l’hôpital, une autre patiente a partagé ma chambre. Une super dame de Namur qui avait quasi le même parcours que moi : même cancer, mêmes traitements (sauf test clinique) et même façon de voir la vie. Nous avons beaucoup parlé. Je m’aperçois que ce genre de caillou sur le chemin ouvre la voie à la réflexion : la vie, notre être, l’avenir, le moment présent, le tri des amis, la découverte de nouveaux amis sincères, le retour aux vraies priorités et surtout l’amour des autres. C’était très enrichissant.
Pour l’instant, tout va bien. Je poursuis ma diète, et ça n’est pas trop contraignant. Je continue à perdre du poids, mais j’ai toujours ce même moral d’enfer qui me pousserait à évacuer une armée de zombies enragés. Qu’ils viennent seulement. Mon bonheur est intense de vivre à côté d’un être qui me chouchoute, une famille attentive et des amis disponibles. Le reste n’est que foutaise.

Vendredi 28 septembre 2012
Ce matin, message émouvant d’un ami « virtuel » avec lequel nous avions partagé nos bonheurs, nos doutes et nos émotions. Un photographe d’une grande sensibilité que je n’avais plus entendu depuis quelques semaines. Et pour cause. Son bateau arrive à quai, lentement, dans la douceur et la douleur aussi. Il est en soins palliatifs. Il a laissé un témoignage d’une grande pudeur et d’une grande lucidité aussi. Le crabe fait son œuvre. J’étais triste et émotionnée en même temps. Ces situations réveillent aussi une réalité qui me touche. Tu te bats avec frénésie et foi en toi et, malgré tout, le crabe arrive en douce à l’endroit où tu ne l’attends pas ou plus. Il accroche ses pinces et te ronge. D’autres s’y sont essayés. Certains y sont parvenus, d’autres ont baissé pavillon. C’est une maladie surnoise. Elle va, elle vient, abandonne ou s’accroche, c’est selon !  Nul n’est invincible, mais la maladie non plus. Alors, l’arrivée au quai, le plus tard possible.

Samedi 29 septembre 2012

La pancréatite semble se tailler en douce. Le régime strict m’y aide. Mais parfois, le chocolat dans la vitrine me fait de l’œil. Non, résiste ma belle, ça n’est plus pour toi. Alors, je me tourne vers d’autres petits bonheurs weightwatcheriens : légumes vapeur, viande blanche, fruits. Après tout, ça ne peut qu’être bénéfique, mais quand même.
Aujourd’hui, visite d’un ami. Il traverse des moments un peu difficiles. Nous allons essayer de le faire rire devant un cake aux framboises et lavande fait maison. Le rire vient à bout de toutes les peines ou, en tout cas, les adoucit. Avez-vous remarqué comme les gens rient de moins en moins. Par pudeur ? Par lassitude ? Par auto-flagellation ? Pourtant, c’est si simple. Je vous explique : vous étirez les lèvres horizontalement, bien, voici le sourire qui s’esquisse. Vous entrouvrez la bouche et faites sortir un son de votre gorge. Pas facile hein ? On ouvre la bouche de plus en plus et le son sort saccadé. Il fait même mal au ventre parfois. N’ayez pas peur de rire. On dit que c’est le propre de l’homme. M’enfin, quand je regarde autour de moi, je pense que l’homme n’est plus propre à son rire. Que va t’on penser de moi si je m’esclaffe bruyamment ? C’est pas correct ? Tant pis, je me lance quand même. Ah oui, ça fait un bien fou. Essayez, vous verrez comme ça éclaircit l’esprit et la vie. Riez de vos défauts, de vous, d’un oiseau qui s’envole, d’un enfant qui fait ses premiers pas…. De tout. Rire n’est pas homonyme de se moquer. Toujours le côté négatif et le côté positif.

Et puis n’oubliez pas mon crédo : Take the best…. Fuck the rest !

Mise à jour le Samedi, 29 Septembre 2012 12:42