Grands débats de société : Riccardo Petrella et le combat pour l'eau comme Bien commun.
Écrit par Best of Verviers   
Mardi, 15 Mars 2011 23:10

Verviers va vivre son cinquième festival International de l'Eau et du Climat qui se déroulera dans notre ville du 21 au 25 mars.  Via les médias ou dans son quotidien, chacun constate que l'eau s'impose aujourd'hui comme un défi majeur pour le monde dans lequel nous vivons.

L'occasion pour nous, de poursuivre sur Best of Verviers, notre série : Grands débats de société.

Nous avons voulu ouvrir le débat sur cette thématique universelle de l'eau et donner la parole à un des acteurs engagés dans le combat pour l'eau comme Bien Commun. Présentation et interview

Riccardo Petrella, vous avez été nommé Docteur Honoris Causa  de l'université d'Umeå , de Roskilde , de la Katholieke Universiteit Brussel , de la Faculté polytechnique de Mons , de l'Institut polytechnique de Grenoble  et de l'université du Québec à Montréal .

À partir du « Manifeste de l'eau », vous avez fondé en 1997  le Comité international pour un contrat mondial de l'eau.

En 2003, vous êtes devenu l'initiateur de l'université du Bien Commun.
Vous militez pour que chaque être humain ait  le droit d'accès à l'eau.

 

 

Dans le monde :

En 2010, sur une population de 7 milliards de personnes il y avait plus de 1,4 milliard  sans accès à l’eau potable et environ 3 milliards ne disposant pas de latrines publiques, ce qui explique que, encore aujourd’hui, il  y a 5000 enfants de moins de 6 ans qui meurent chaque jour pour des maladies dues à l’absence d’eau et de services sanitaires.. Des chiffres qui interpellent et qui vous incitent à porter le débat jusqu'aux plus hauts niveaux de pouvoir en Europe et dans le Monde.


 

Pacte mondial pour l'eau.

Riccardo Petrella, en 2009, vous avez proposé aux citoyens de rédiger un Mémorandum pour un pacte mondial pour l'eau, que le Parlement européen a accepté d'accompagner.  Un programme citoyen qui devancerait celui des gouvernements qui peinent aujourd'hui à s'accorder sur cette question.


Vous appellez aussi les dirigeants et responsables du monde à « faire la paix avec l'eau », ce qui implique de transcender les frontières, les adversités politiques et certaines formes de souveraineté nationale qui ont été un progrès pour les sociétés du XIXe et du XXe siècles, mais qui s'opposent aujourd’hui gravement à une gestion commune  et durable des ressources naturelles vitales, et deviennent une source d'injustice et  d'accroissement des inégalités.
Pour vous les ressources naturelles doivent être considérées comme Biens communs de l'Humanité. Un fameux défi pour l'Homme, mais nécessaire selon vous.

 


 

 

- L'eau, vous en parlez avec force et conviction partout dans le monde en emmenant avec vous, votre baton de pélerin. Où en est votre marche aujourd'hui ?

Depuis octobre 2010, avec mon institut , l’IERPE, et une autre association belge, Kréativa, nous sommes activement engagés dans la Campagne européenne « L’eau bien commun pour la vie ».

En effet, grâce surtout à l’initiative prise par des pays de l’Amérique latine, notamment la Bolivie, le 28 juillet 2010, l'assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a reconnu l’accès à l’eau comme étant un droit humain fondamental. C’est dire que désormais l’objectif principal est devenu la généralisation de ce droit au niveau national et, surtout, sa concrétisation effective , du village à la Communauité mondiale.  

Dès lors, il faut lutter pour que dans chaque pays, l’eau soit traitée comme un Bien commun public, social, et non pas, comme c’est le cas actuellement,  un bien économique, marchand : L'eau est la vie, un Bien Commun Mondial. L’eau pour la vie  n’est pas à vendre.

Pour ce faire, il faut que la collectivité, la finance publique, prenne en charge, par les impôts, la couverture des coûts relatifs à l’accès à l’eau en tant que droit pour tous, à savoir 50l/jour par personne..

 On ne peut pas faire financer l’accès à l’eau en tant que droit par les capitaux privés, ni par les consommateurs. La finance privée comme les marchés ne reconnaissent pas les droits, mais seul compte le pouvoir d’achat

Hélas, même au niveau européen, l'eau est de plus en plus considérée comme une marchandise, comme le soutient la directive cadre européenne de l'eau de l’an 2000 qui dit que l'eau n'est pas une marchandise comme les autres, mais qui demeure, donc, marchandise.

 

 

Autre objectif majeur de la campagne européenne :  faire travailler ensemble nos villes pour définir et mettre en œuvre une nouvelle politique urbaine à partir d’une revalorisation de la fonction et de la place de l'eau dans nos villes. Le réseau REVE (Réseau Européen des Villes et l’Eau) sera formellement constitué à Ancône (Italie) le 19 avril prochain.

Troisième objectif : l’organisation d'une grande manifestation en 2012  dont le thème central sera "Nos fleuves"  Ils sont menacés, pollués, abandonnés…... L'idée principale est  celle  de faire prendre conscience aux gens qu'il faut « aimer » les fleuves, artères de la Terre. .


Enfin comme quatrième objectif, nous voudrions créer un agora citoyen de l'eau avec un Parlement européen de l'eau en soutien du Parlement actuel.

Les Etats ne doivent pas s'engager uniquement à consulter ou informer les Citoyens mais  assurer une réelle participation de ceux-ci aux décisions  concernant le devenir de l’eau et du vivre ensemble.



- Toujours dans ce cadre, Riccardo Petrella, avec vos amis de l'ASBL Kréativa qui s'occupe du développement durable et d'écologie, n'est-ce pas en octobre 2010 et à Verviers, qu'a eu lieu le lancement d'un projet théâtral sur l'eau ?


Une de vos écoles primaires a participé à cette époque à la première animation d'un grand projet européen qui consistait en des animations, débats, recherches d'idées en vue de la construction d'une pièce de théâtre sur le thème de l'eau.

Cette pièce intitulée "Cascade" a été conçue grâce aux  idées apportées par plus de 1200 enfants, étudiants, adultes dans de nombreux pays  d'Europe dont la Belgique, France, Espagne, Italie.  Reconnue par les Arts de la scène (la Fabrique de théâtre de la Province Hainaut), elle a été jouée en première au Parlement de la Communauté française à Bruxelles.



- Riccardo, une semaine de l'eau comme celle que Verviers s'apprête à vivre dans le cadre de la journée mondiale de l'eau, ça vous inspire quelles réflexions ?


Il est important   que chaque ville prenne des initiatives fortes  pour faire connaître les problèmes de l'eau à la fois dans sa ville et dans le monde.
La semaine de l'eau à Verviers... (Il réfléchit)

A Verviers, je pense que cette semaine de l'eau ne doit pas servir à faire oublier la confiscation des berges et de la rivière par rapport à l'espace de vie des habitants.
Il y a chez vous des Citoyens qui se sont engagés depuis des années dans une réflexion sur le devenir de la ville et de la Vesdre, qui suscitent des débats d'idées, qui veulent participer activement aux décisions concernant  leur lieu de vie, mais le Conseil communal a fait fi de leurs réflexions et désirs d’être associés au devenir de la ville.

L'eau est un instrument de « Vivre ensemble ». Or le fameux  projet immobilier a profondément divisé la ville et ses habitants,  il ne semble pas prendre en considération les propositions d’une grande partie de la population. .

La marche à Namur de dimanche 20 mars va essayer de sensibiliser les autorités régionales compétentes. Ce serait dommage que lorsque les citoyens montrent le désir de vouloir participer réellement à prendre leurs responsabilités concernant le devenir de leur ville, ils se sentent exclus, rejetés.



- Un message pour les enfants de nos pays ?
La chose la plus belle de notre vie, c'est la vie.  
Elle ne doit pas être un privilège. Pensez à ces centaines de millions  d'enfants qui n'ont pas droit à la vie  à cause,  entre autres, de manque d’accès à l'eau.

 



Merci Riccardo Petrella

 

Programmation 2011 du festival "Au film de l'Eau"

 

 

Mise à jour le Mardi, 15 Mars 2011 23:53