Julien Vargas, le théâtre dans la peau : De Verviers à Avignon
Écrit par Best of Verviers   
Jeudi, 03 Septembre 2009 20:49

- Bonjour Julien !

- Bonjour Christophe


- Tu sors d’une pièce de théâtre « Chatroom » qui a affiché complet chaque soir durant un mois au festival d’Avignon. Un succès incroyable ! De retour à Verviers pour quelques jours, tu as gentiment accepté notre demande de te rencontrer pour parler un peu de toi sur Best of Verviers dans la rubrique « Nos gens », celle qui permet de découvrir l’homme que tu es, dans ta singularité.
Comment tes copains te percevaient–ils à l’école primaire ?

- Très tôt, j’ai commencé à faire le clown. C’était une époque où mes résultats scolaires devenaient moins bons. J’ai compris dès l’âge de 9-10 ans qu’être considéré comme le rigolo de la classe, c’était bien mieux que d’être premier de classe.

-          Tu es presque le héros d’Anna Gavalda dans son roman « 35 kg d’espoir » qui raconte un histoire assez semblable ?

-          J’aime bien Anna Gavalda. Plusieurs de ses romans ont été adaptés au cinéma mais je ne connais pas cette histoire.

-          Calculais-tu ses coups lorsque tu avais envie de faire rire tes camarades de classes ?

-          Non, je ne réfléchissais pas. J’avais comme une énergie globale qui faisait que tout cela était très naturel. Par exemple avec mon ami Maxime, nous étions toujours les derniers à sortir de la classe en quatrième primaire chez Madame Mélotte à SFX. On discutait beaucoup tout en prenant le temps. Un jour, elle nous a dit que si nous étions les premiers à sortir du local, elle nous payerait une glace. Nous nous sommes bien entendu, arrangés avec tous les autres pour sortir, une fois, les premiers. En finalité, elle a payé une glace à tous les élèves !

-          Osais-tu faire le clown avec tous les professeurs, même les plus sévères ?

-          Je n’étais pas un méchant mais il faut dire qu’une fois rentré dans l’adolescence, j’avais un problème avec l’autorité. Vers 14-15 ans, je me suis un peu adonné à l’insolence avec certains professeurs. Cela a parfois pris des proportions plus grandes pour défier l’autorité. En fait, j’aimais faire le clown mais le terme qui convient me mieux à cette époque c’est : troublion, un mot peu utilisé mais très beau (rires)

-          Pourrait-on dire que tu avais également besoin de cet espace de liberté qui te semble important pour ta vie ?

-          Oui ! Mon besoin de liberté,  je le retrouve par le fait d’avoir choisi mon métier d’acteur. Ce n’est pas un hasard. J’ai de nombreux employeurs et c’est rare qu’ils me donnent un ordre. On travaille en synergie. J’ai, vous l’avez bien compris, difficile avec l’injonction. J’essaye à ce moment d’aller contre.

-          Ta relation avec parents a été très importante dans ton développement.

-          Bien sûr. J’en donnerais trois mots, indispensables pour grandir : Amour, confiance, épanouissement. Avant de pouvoir s’engager dans le métier d’acteur, de nombreux parents pourraient développer des peurs : métier instable, pas toujours très valorisé, mon enfant pourrait avoir faim,,… Mes parents sont fiers de moi et du choix que j’ai posé. C’est important pour un jeune et ça donne confiance d’avoir des parents qui te soutiennent. Je pense d’ailleurs que sans leur soutien, je n’en serai pas là aujourd’hui.

-          Tes premiers contacts avec le théâtre ?

-          Tout d’abord, vous devez savoir que j’étais nul en sport. J’ai essayé pas moins de 14 sports différents : Gymnastique, foot, tennis, ping-pong, escrime, water-polo, judo, boxe française, hockey sur gazon (là ça allait un peu mieux),… (rires !)

      C’est en deuxième primaire chez Madame Culot que remonte mon premier souvenir. J’ai réalisé un poème d’environ 10 lignes. Elle a eu cette réplique : « C’est la première fois que je mets 10/10 à un élèves ! » Je suis rentré chez moi, très fier. Maman m’a alors proposé de m’inscrire au conservatoire en diction, déclamation. Dans la foulée, un professeur de gymnastique extraordinaire, Henri Defawes, organisait pour les enfants de l’école un concours d’éloquence. Ce type créait, inventait, imaginait, organisait un tas d’activités, un monde magique, dans et autour de l’école. J’y ai récité ma poésie (il la déclame encore, 20 ans plus tard, sous mes yeux ahuris!) « C’était le monde » (je pense me dit-il !!! Cette fois, c’est moi qui rit tout seul.).

-          Ton envie de faire du théâtre était naissante, se précisait. Quelle personne a eu une importance particulière pour toi dans ce milieu du théâtre ?

-          Deux personnes et pas une seule. D’abord, Jacqueline Wankenne du conservatoire de Verviers. Une bonne femme intransigeante. Avec elle, on travaillait « à la dure » car pour elle le théâtre, était sacré. Elle avait connu la guerre et disait qu’avoir la chance de vivre dans un pays démocratique dans lequel on pouvait faire du théâtre, était une chance qu’il fallait cultiver. Elle avait conscience qu’il fallait être heureux de préserver cette possibilité de s’exprimer et de l’importance que ça allait avoir pour moi dans ma vie. Elle avait bien raison. Ensuite, il y a Evelyne Thomas qui m’a donné la chance de tenir le premier rôle dans « L’Oiseau Bleu ». J’étais Tyl Tyl !

-          Tu as donc joué au Grand-Théâtre de Verviers, très jeune. Quelle impression as-tu eue ?

-          J’étais déjà monté sur la scène à l’occasion des Chapuis (spectacle monté par les profs et élèves du conservatoire chaque année fin juin) ou lors de productions avec le conservatoire. J’assimilais cela à une activité assez scolaire. Avec le spectacle de « l’Oiseau Bleu », joué dans ce théâtre à l’Italienne, ça me semblait énorme ! N’oubliez pas qu’il y avait 50 comédiens en scène, des décors, costumes incroyables. Il s’agissait d’une production exceptionnelle. Quand on a 15-16 ans, avec 50 acteurs derrière soi, 400 personnes dans la salle, un an de répétition, ça laisse des traces !

-          Tu as ensuite franchi un pas supplémentaire pour te rendre à Bruxelles.

-          Habiter seul, après une vie dans un cocon familial reste une expérience très forte. Avant d’y habiter, je m’y étais rendu deux fois, pas plus. Une fois avec mon père, une fois avec l’école. Cette ville, la capitale, je l’imaginais sans limite ; Le métro était partout, il y avait.40 théâtres. Une ville où tout était possible, une ville avec des agences de casting. Alors que je venais de passer mon examen d’entrée pour le conservatoire, j’étais déjà locataire d’un appartement et pourtant je ne disposais pas encore des résultats. L’admission restait encore aléatoire. J’ai déambuler dans les rues pour me retrouver non loin d’un palais, lieu où la vue s’offrait à moi sur 180°. Bruxelles ? Vais-je connaître cette ville ? Vais-je devenir comédien ? J’étais partagé entre espoir et mélancolie. Tu y crois puis tu doutes avec les pires scénarios. S’il n’y avait pas le théâtre, il n’y avait rien, me suis-je dit…

-          La transition

-          Le conservatoire de Bruxelles, c’est une école de théâtre passionnante. Tu dois y faire des choses qui vont te servir dans ta vie. Parfois, c’est difficile de faire la différence entre soi et son travail. Il faut être crédible. A certains moments, on te dit qu’on ne croit pas à ce que tu proposes. Alors, c’est important de rester avec son esprit d’enfant, de ne pas trop se prendre au sérieux. J’étais parfois inconstant dans mon travail mais toujours passionné et décidé. Comme j’avais eu durant ma scolarité de nombreuses périodes avec une confiance presque nulle, j’ai trouvé l’envie de me battre pour arriver. Ca m’a permis de me construire. Cette énergie nouvelle me disait « Finalement, c’est possible ! » Comme c’est le théâtre est un art, tu n’as pas toujours une solution parfaite à ta formation.

-          L’Aiglon te propulse sur le devant de la scène à Bruxelles, avec une véritable ovation lors de la première représentation. Tu as 25 ans !

-          Yves Larec, le directeur du Théâtre Royal du Parc qui mettait en scène "l’Aiglon" d'Edmond Rostand m’a proposé le premier rôle de cette pièce alors qu’auparavant, il ne m’avait vu donner qu’une dizaine de répliques dans deux autres pièces. Ce type a cru en moi alors que je n’avais que deux ans de carrière derrière moi. Et puis ce rôle est d’habitude tenu par des garçons plus âgés. Deux sentiments m’ont habité. D’abord, l’euphorie puis l’envie de bien faire. Ensuite, l’angoisse car si je ratais ce rôle dans une pièce où jouaient 27 comédiens, je mettais la suite de ma carrière en danger. Rapidement, j’ai eu la tête plongée dans le travail et il s’est passé quelque chose. J’ai gagné en confiance tout au long des répétitions puis au fur et à mesure de l’accueil du public. Etonnant pour celui-ci de voir un jeune type comme moi tenir ce rôle.

-          Eté 2009, Avignon avec Tchatroom, un succès, encore!

-          Avignon est un endroit magique, incroyable, quasi unique au monde. Imaginez que cette petite ville reçoit sur un mois près de 900 spectacles. Acteurs et public s’y retrouvent. Dès lors, quelle ambiance ! Epuisant ! Se balader en Avignon durant le festival, c’est comme se balader durant un mois sur la Batte à Liège. C’est vertigineux !

-          Tchatroom  viendra à Verviers le jeudi 22 avril au Grand-Théâtre. Peux-tu nous en parler ?

-          Cette pièce est présentée par un théâtre qui a une conscience politique affirmée doublé d’un intérêt pour les jeunes et particulièrement pour les ados. Elle raconte l’histoire de 6 ados qui discutent sur le net. L’accueil fut multi-âges. Assez incroyable  car beaucoup de spectacles devaient faire une grosse pub et compter sur le bouche à oreille pour voir les spectateurs arriver au fil des jours. Pour nous, lors de la seconde représentation, nous affichions complet. Dix personnes supplémentaires ont dû s’asseoir sur les marches. Nous avons affiché complet chaque soir. Sur les 130-140 places disponibles pour la salle, on a pouvait compter jusque 30 programmateurs par jour et 57 fut le record.

-          La perception que les gens ont de toi change-t-elle ?

-          La presse m’a nominé « Meilleur espoir masculin » pour l’Aiglon et Chatroom. La cérémonie aura lieu le 12 octobre 2009 au théâtre de la Place à Liège. C’est un métier avec tellement de subjectivité !!! Souvent, c’est : « J’aime ou je n’aime pas ». Maman et mon papa ainsi que mes amis aiment ce que je fais. Quoi qu’il arrive. Mais cette reconnaissance de la presse, de personnes indépendantes, me donne confiance. Ce qui est évident, c’est qu’il faut continuer de travailler. C’est le moteur de tout acteur.

-          Un dernier mot, Julien ?

-          Mon projet actuel. J’écris une pièce pour une jeune compagnie  qui se nomme « On voit ta culotte Madame Véro ». Ils ont passé commande après avoir lu ma première pièce. Ecrire est un plaisir différent. Je suis fier de cette réalisation en devenir car écrire, c’est encore plus personnel puisque je donne quelque chose de moi en plus.

-          Merci Julien pour ta confiance et le temps que tu nous as accordé.

PS : Un site pour retrouver plus d'infos sur Julien Vargas

Mise à jour le Vendredi, 23 Avril 2010 17:13