Billy revient d'Irak
Écrit par Edmée De Xhavée   
Samedi, 04 Avril 2009 15:28

New York :

- La fête bat son plein. Aux murs de la modeste pièce remplie d’invités, une bannière étoilée de vinyl proclame « Welcome home, Billy ! »

Billy a son béret et son uniforme de marine et prend l’air sur le balcon, sans doute un peu fatigué du tintamarre et de cette sensation de familiarité, de chez soi qui l’a envahi dès sa descente du bus.

C’est qu’il revient d’Irak, Billy, pour une petite permission qui lui rend le goût de ce pour quoi il se bat. À ses côtés son père, un Billy plus âgé, épaissi, usé par une honnête vie de dur travail – il doit être fermier, ou chauffeur de camion – regarde ce fils avec un respect timide. Détournant les yeux vers la nuit et ses étoiles, il rompt le silence et marmonne « tu as changé ! » Billy, arraché à sa rêverie, le regarde surpris et demande « j’ai changé ? Comment ça ? » Leurs yeux se croisent enfin. « Quand tu es descendu du bus, tu m’as tendu la main … et tu m’as regardé dans les yeux ! » Les pupilles de Billy Sr sont humides, et Billy Jr sourit paisiblement dans le noir …

Ailleurs, un jeune noir, assis à la table de cuisine en face de sa mère, une femme que l’on devine parent unique de ce fils au seuil de sa vie adulte. « M’man, j’ai une idée pour payer mon collège ! » Mais elle, une belle femme à la beauté un peu fanée par une longue vie de soucis solitaires, sourit d’un air désabusé en agitant la tête. « Ah ça ! Et c’est quoi ton idée, fils ? » « Si je rentre à l’armée… » Elle se contracte, son sourire se fronce en refus muet, mais il continue « je peux demander d’être dans la réserve, je ne devrai peut-être même jamais aller en Iraq. Mais l’armée m’offrira une formation professionnelle, et j’aurai droit à aller au collège après ! » Elle s’est un peu détendue lorsqu’elle a entendu « réserve » et l’a écouté jusqu’au bout. Elle doute encore, pourtant. « Oui, mais leur formation professionnelle, c’est valable ? » « M’man, c’est l’armée ! » Cette affirmation solennelle la rassure alors tout à fait. Son grand garçon vient de lui enlever un souci, des heures de travail supplémentaire à l’horizon, un emprunt à la banque. Elle sourit et le regarde avec fierté.

Ce qui précède est la description de deux spots publicitaires télévisés que l’armée diffusait abondamment pour recruter des volontaires pendant les années Bush. Dans beaucoup de quartiers à taux de chômage élevé, ou même dans les écoles de ces mêmes quartiers, on installait des bureaux de recrutement. Un poster où le visage bronzé d’un militaire rasé de frais se détachait sur les rayures et étoiles flottant au vent de la liberté présentait une armée aux accents de colonie de vacances un peu musclée pour adultes. Et on insistait beaucoup sur le droit au collège après le service. Le collège est un grand souci pour les parents, il y a des plans d’épargne en place dès la naissance de l’enfant quand les parents ont les moyens, car pour un collège médiocre les frais restent d’un minerval moyen de $15.000/an en ce moment.

On a donc alors créé et soigné l’image du soldat nouveau : soucieux de son avenir et de celui des siens, patriote et … sexy. « Army Wives », feuilleton très populaire, montrait des soldats athlétiques mais tendres, des passions torrides sous le drapeau, des épouses manucurées avec une chevelure à rendre la Vénus de Botticelli pâle d’envie – encore plus pâle, devrais-je dire, car elle n’est pas très bronzée, c’est vrai ! – avec, en fond, cette notion de défendre la démocratie et la justice. 

 

Le 23 mars 2003, Lori Piestewa (Kocha-Hon-Mana), une jeune Hopi de 24 ans, a été la première victime de ce carnage dont on ne compte jamais les victimes des deux bords …

 

 

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Mise à jour le Dimanche, 05 Avril 2009 17:43