Un chat en hiver
Écrit par Edmée De Xhavée   
Lundi, 19 Janvier 2009 15:23
New York,
Comme on le dit si bien en Italie, la Befana tutte le feste si porta via. Car après le 6 janvier, fête de cette sympathique makrale, Saint-Nicolas en jupon à l’appendice nasal crochu et verrueux à plaisir qui apporte non pas une belle frousse mais des gâteries aux enfants, on n’attend plus de fêtes avant longtemps. Les maisons ici ont encore leurs décorations des grands jours, parfois d’une belle sobriété, ou alors c’est une accumulation colorée et surchargée de lumières, formes et matériaux.

 

 

Ça clignote, ça bouge, ça clame haut et fort combien l’adage d’antan Le trop nuit en tout n’a pas sa place ici. Et les ornementations se succèdent d’ailleurs toute l’année : des bannières rappellent aux passants peut-être incroyablement distraits que c’est la Saint-Valentin, Pâques, fête des mères, des pères, Memorial Day etc… Des lapins gonflables, fantômes, sorcières, crèches avec Mickey et Minnie, carrousels avec les rois mages et Donald Duck, pierres tombales de plastique avec ossements fichés dans les massifs d’azalées etc surgissent régulièrement dans les jardins, concourant pour l’Oscar du il y en a trop.

 


Mais je ne m’arrêterai ici que sur le beau, parole de tchèt ! J’aime beaucoup les belles colonnades où s’enroulent de sobres guirlandes de branches de sapin dans le calme de l’hiver. Les simples couronnes de sapin et pommes de pin où flotte un grand nœud de velours rouge.

 

Qu’il peut être splendide ici, l’hiver ! Froid et rude, mais après tout, ce n’est pas moi qui dois pelleter la neige, que nenni ! Je reste bien enroulé sur moi-même comme le chapeau d’Anna Karénine, sur l’appui de fenêtre non loin du radiateur, et je me fais plaisir en entrouvrant parfois un œil curieux pour regarder voleter ces petites taches blanches qui se déposent au sol sans un bruit. Et puis je m’étire avec un petit « rrrou » satisfait. C’est bien beau tout ça, vu de la fenêtre et bien au chaud, quand on est le chapeau d’Anna Karénine… Et  j’en ai vu, de la neige ici, jusqu’à 55 cm ! 55 cm, de ces légers cristaux si tendres, et si implacables, ça fait un fameux chaos…

 

 

Comme lors du blizzard de 1996, où on avait déclaré l’état d’urgence dans tout le nord-est. Interdiction d’aller travailler, les routes n’appartenaient qu’aux véhicules importants : ambulances, chasse-neiges, police. Et les piétons. Sur le petit morceau d’autoroute qui reliait l’appartement que j’habitais alors au super-marché, des silhouettes titubantes bravaient le vent qui criait sa rage, et ne se devinaient que quand elles se rentraient presque dedans. Le super-marché, pourtant généreusement illuminé, n’envoyait qu’une pâle lueur à travers le voile d’aiguilles froides qui gelait sur les cils et meurtrissait les paupières. Douillettement, moi j’attendais mon Friskie, émerveillé de la beauté de cette fureur de glace et de la cascade de stalagtites cristallins qui ornait les fenêtres. Le New Jersey avait été isolé sous 60 cm de neige pendant trois jours. Un temps à ne pas mettre un chat dehors, naturellement. Oui, cette année-là le blizzard et la Befana avaient emporté les relents des dernières fêtes.

 

Il faudra attendre Pâques pour retrouver un peu d’allégresse festive même si janvier et février ont chacun un jour de congé : le premier, qui vient d’être consommé, pour Martin Luther King et le second pour le Président. Mais, le travail étant la santé et surtout la santé économique de la nation (qui est sous la tente à oxygène comme chacun sait pour l’instant), on s’arrange pour avoir les jours de congé un vendredi ou un lundi si possible, pour éviter les ponts, si appréciés en Europe. C’est si joli, un pont, après tout… Et quant à Pâques, c’est le vendredi saint qui est férié ici, et non le lundi de Pâques pourtant plus optimiste. Mais je fais confiance à la force persuasive du commerce : les jardins seront pris d’assaut par des œufs et lapins géants lumineux et autres.

 

La Befana sera loin déjà, chevauchant son balai pour un tour d’année solaire, et le printemps se sera un peu étiré les membres engourdis par le long silence froid de l’hiver.

 


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Mise à jour le Samedi, 24 Janvier 2009 11:38