Gérard Mathar, vu de Gaspésie : en guise de préambule
Écrit par Gérard Mathar   
Samedi, 08 Janvier 2011 08:19

Comment débuter ce premier billet canado-ardennais ?
 Cela fait quelques jours que je remets sa rédaction à plus tard, ne sachant par quel bout commencer. Je profite aujourd’hui d’une belle tempête de neige qui nous garde chez nous pour me lancer.


Quand Albert Moxhet (quelle chance pour notre région de posséder une personne comme lui…) m’a proposé de m’épancher en ces pages, j’ai accepté sans trop réfléchir. Comme d’habitude.
Exactement, comme d’habitude !

 

Je saisis cette perche que je me suis tendue à moi-même pour résumer la situation : si je suis ici au Canada, je le dois pour beaucoup à mon incurable insouciance… et à la merveilleuse compréhension de ma douce femme qui a toujours accepté mes idées les plus saugrenues avec une forte dose de patience et de philosophie.
Catherine, j’en profite pour t’envoyer un gros bec.
Reprenons du début. Je me sens viscéralement ardennais. Et verviétois.
Chez moi, c’est en Ardenne. Et non «dans les Ardennes» comme le disent par ignorance les plumitifs de tous bords et les panneaux routiers de notre «propre pays» (voici matière pour un prochain billet, tiens.)
Bien sûr, mes attaches sentimentales m’enracinent en particulier dans le Plateau des Fagnes et l’Hertogenwald car c’est là que j’ai passé une bonne partie de mon enfance à accompagner mon père.
Cependant, ayant vécu et/ou travaillé en divers endroits de l’Ardenne, je m’y sens chez moi partout. Point barre.
Mais dans ce cas, me direz-vous tous, que fabriques-tu si loin et pourquoi diable es-tu parti ?
Il n’y a pas une réponse toute faite, claire, nette et précise.

 

 

 

J’ai toujours aimé voyager, découvrir. Mais pas comme un touriste classique. Je déteste l’industrie du tourisme, j’abhorre les voyages organisés, je conchie le tourisme de masse. Comment imaginer une seconde qu’il soit possible de découvrir un pays, une région, un lieu en participant à ce type de voyages encadrés tout compris ?
Pour approcher un tant soit peu la réalité, il m’a toujours semblé indispensable de vivre comme et avec les habitants du lieu visité. Voilà pourquoi je suis souvent parti à gauche à droite, chercher du boulot.

 


 

Comme pour beaucoup d’Européens, le Canada a toujours évoqué l’espace, la nature sauvage, une certaine forme de liberté. Pas vous ?
Et plutôt que de me contenter de ces images d’Épinal, je suis venu quelques fois jeter un œil en y mettant les pieds (toute une technique !).
C’est donc la curiosité, l’envie de voir autre chose qui m’a amené ici.
Mais, soyons très francs, s’il y a des points positifs qui m’ont amené en Gaspésie, il en est aussi des négatifs qui m’ont poussé hors de chez nous.
Je ne vais pas ici épancher mon fiel le plus visqueux sur des sujets qui fâchent, ça ne servirait pas à grand chose. Cependant, il me faut être complet. J’ai quitté l’Ardenne parce que j’en avais marre de voir cette Terre que j’aime être sans cesse défigurée par les dégradations paysagères, les beaucoup trop nombreux nouveaux bâtis construits partout sans le moindre souci d'intégration, des politiques touristiques vouées au tourisme de masse, de pseudos zoning artisanaux (il faudra m’expliquer clairement ce qu’ils ont d’artisanal) qui fleurissent n'importe où, un inintérêt complet des pouvoirs publics pour l'environnement naturel.
Que fait-on vraiment pour préserver l'authenticité de cette merveilleuse région ? Je ne parle pas ici des actions privées.
Je vous fais grâce de mon avis sur la lourdeur administrative.
Et qu’on ne me parle pas de progrès, de marche irrépressible vers l’avenir. Comme si l’un devait écraser l’autre pour exister !
Et je me sentais impuissant face à tout cela.

Puis, un jour, j’ai eu ma dose. J’ai téléphoné pour demander les documents à remplir pour immigrer au Canada. Je les ai reçu le surlendemain (notez l’efficacité), je suis parti 18 mois plus tard après avoir obtenu mon visa de résident permanent et vendu maison, moutons, vaches, chèvres, abeilles et lapins. J’ai gardé les enfants. Mais j’ai mangé les cochons par contre.

 


Ce que nous vivons ici depuis six ans nous a profondément changé. Je me demande souvent si je serais capable de retourner vivre en Ardenne. La réponse est simple : vivre en Ardenne, oui ! Subir le reste, non.
Voilà expliquée ma présence ici.
Mon prochain billet présentera à vos yeux ébahis ce que nous faisons en Gaspésie. J’en profiterai pour vous parler de cette incroyable région à peu près grande comme la Belgique et peuplée de 90.000 personnes.
Peut-être mes commentaires ont-ils suscité quelques réactions. Vos remarques sont les bienvenues.

À bientôt

Crédit(s) photographique(s): Catherine Jacob

Le site de Gérard Mathar et de son entreprise au Canada : www.gaspesiesauvage.com  

Mise à jour le Samedi, 08 Janvier 2011 08:38