La cloche envolée
Écrit par Albert Moxhet   
Jeudi, 25 Juillet 2013 20:50

Samedi Coup de gueule d’Albert Moxhet

Étant donné que la Semaine sainte ne tombe jamais en juillet, on peut être sûr que ce n’est pas pour aller à Rome que la cloche de l’église Saint-Joseph de Verviers s’est envolée de son portique entre le 20 et le 22 juillet. À moins qu’elle n’ait voulu participer, à Bruxelles, aux festivités du changement de règne. En tout cas, elle n’en est pas revenue…

 
Jusqu’ici, c’étaient les câbles de cuivre qui excitaient surtout  la convoitise des voleurs de métaux, mais comme cela occasionnait encore plus de retards sur de nombreuses lignes de la SNCB, ils ont voulu faire une fleur aux navetteurs en changeant de cible. Il faut dire que, bien que située à l’ombre du Palais de Justice de Verviers, la cible était facile : suspendue à un portique de 2 m accessible à tous dans un endroit peu fréquenté, elle présentait un argument de poids pour les voleurs. 700 kilos de bronze, c’est tentant ! (Rappel pour les nuls : le bronze est un alliage de cuivre – principalement – et d’étain) Notons toutefois que les voleurs n’ont pas pu emporter le battant de cette cloche. Démonté depuis plusieurs années pour que de joyeux drilles ne fassent pas sonner intempestivement la cloche, il avait lui-même déjà été volé dans la salle paroissiale toute proche !


Chaque cloche a son identité et son histoire, comme cela a été brillamment rappelé l’an dernier à Verviers lors des manifestations qui ont entouré la célébration du 75e anniversaire de l’actuel carillon de Notre-Dame des Récollets. La cloche qui vient d’être (en)volée et qui fait partie du patrimoine verviétois tout autant que du patrimoine campanaire belge porte sur sa robe toutes les indications qui l’identifient. Dans le haut, sur deux lignes séparées par un bandeau de feuilles de vigne et grappes de raisins, on peut lire, en majuscules sans ponctuation : Fondue en 1962 je m’appelle St Joseph pour remplacer la cloche du clocheton de l’ancienne église des Carmes 1722-1939 et J’ai été bénite sous le pastorat du rév curé Nicolas George  Marthe Devos-Desonay marraine  Otto Fettweis parrain. Une indication d’origine figure dans le bas : Fr et J Sergeys fondeurs à Louvain, tandis qu’un crucifix se détache en léger relief sur la partie médiane de la robe. Autres détails : le diamètre de la cloche est de 0,98 m et sa hauteur de 0,85 m.

Il y a de quoi être à la fois triste et furieux, car, ici, ce n’est pas qu’un matériau interchangeable qui disparaît, c’est une œuvre d’art faisant partie de la vie sociale et quotidienne de la population, comme disparurent il y a quelques années déjà la potale ancienne arrachée au premier étage de la façade d’un magasin de Crapaurue, puis, plus tard, le bœuf doré de la Maison Moulan, scié au niveau des sabots.. Et, en plus, ici, on imagine bien que ce n’est pas pour faire sonner ailleurs la cloche de Saint-Joseph qu’on l’a volée. Cela rappelle hélas, certaines pratiques de l’occupant nazi manquant de métal pour fabriquer ses canons. Mais il y a aussi de quoi être irrité devant le manque de précautions de la Fabrique d’église de Saint-Joseph pourtant mise en garde à plusieurs reprises.

En divers endroits de notre Ardenne se racontent des légendes de cloches enterrées ou submergées pour éviter leur destruction en des époques périlleuses. On dit qu’elles se mettent à sonner en certaines circonstances. Mais celle-ci n’a même plus son battant…

(Photos : Marie-Madeleine Crickboom, février 2012)

Mise à jour le Jeudi, 25 Juillet 2013 21:12