"Le Spectateur condamné à mort", dès le 10 novembre 2010
Écrit par Best of Verviers   
Vendredi, 05 Novembre 2010 13:22

Le théâtre du Souffle nous invite à découvrir  «  le Spectateur condamné à mort » de Matéi VISNIEC, une coproduction du Centre Culturel de Verviers et des Centres culturels locaux. Une pièce drôle, absurde, poétique et corrosive. Nous avons le plaisir de vous partager sur Best of, les réflexions de Virgile Gauthier et Barbara Thiel, deux acteurs de cette pièce.

Virgile Gauthier,  comment l’idée de ce spectacle a-t-elle germé ?

C’est André Detiffe, le fondateur et coordinateur du Théâtre du Souffle qui a déniché ce texte du philosophe roumain.

Après avoir monté des comédies qui ont fait la réputation du Théâtre du Souffle (Goldoni, Molière, Jaoui-Bacri, Feydeau…), André avait une furieuse envie d’aborder un sujet d’actualité, plus complexe. Le texte a été soumis à Renzo Eliséo, metteur en scène avec  lequel le Souffle avait déjà travaillé pour Goldoni. L’univers de Matéi Visniec l’a séduit et il a accepté de faire partie de cette nouvelle aventure théâtrale.
Cette pièce se déroule dans un tribunal déjanté aux plaidoiries désopilantes, aux témoins manipulés, aux  interrogatoires absurdes, un spectacle qui appelle la réflexion sur la valeur de l’appareil judiciaire et son malaise universel.

 

Quelle est la difficulté principale de jouer une telle pièce ?

Matéi Visniec choisit de dénoncer la dictature par la voie de la satire, par la force écrasante de la caricature et de l’absurde.
Le spectateur condamné à mort  est donc une véritable parodie qui incite à la réflexion sur la valeur de l’appareil judiciaire, le statut du théâtre et, plus largement,  la fragilité de l’humanité…
Afin de mettre en avant le caractère burlesque de cette comédie, d’un bout à l’autre de la pièce, les comédiens jouent avec leur corps, leur voix, leur costume, leur faux nez…La difficulté est de rester crédible malgré l’absurdité des situations !

Le sujet est grave, le ton est quant à lui nettement plus léger.
C’est parfois utile pour faire passer un message ?

Les personnages de cette pièce sont des êtres pitoyables : les accusés, à l’encontre desquels les charges sont futiles, se laissent manipuler par les questions perverses et décalées de l’appareil judiciaire.
Déductions fautives, raisonnements illogiques, démonstrations boiteuses : le langage de ce procès renvoie à la déraison et à la fantaisie.
A la manière de miroirs réfléchissants, Le spectateur condamné à mort oscille sans cesse  entre théâtre et spectacle, vie et justice. Comme le titre de la pièce l’annonce, le spectateur est partie prenante. Si nous arrivons à susciter la réflexion dans sa tête,  alors le pari est gagné !

L’annonce du procureur est sans appel : »Mesdames et Messieurs, il y a un criminel parmi nous ! ». L’accusation s’empare alors des planches et désigne, au hasard, un spectateur comme coupable. Allez-vous réellement prendre quelqu’un du public pour monter sur la scène et jouer avec vous ? Est-ce une difficulté supplémentaire pour les comédiens ou un atout ?

Prendre ou ne pas prendre un spectateur au hasard ? La question a été posée.
Après une longue réflexion, nous avons décidé qu’un comédien jouerait le rôle du spectateur condamné à mort. Jouer avec un spectateur choisi au hasard présentait trop de risques.
Cela devient donc un véritable jeu entre comédiens et c’est  plus rassurant pour tout le monde.
Plusieurs représentations sont programmées devant un public scolaire dont les réactions peuvent être inattendues !!!

Quel est votre plus grande source de satisfaction depuis que vous avez commencé à répéter cette pièce ?

C’est incontestablement de découvrir  des ressources insoupçonnées au fond de moi et de pouvoir  les faire partager au plus grand nombre.
C’est aussi une véritable satisfaction de retrouver des camarades de planches et de retravailler sous la conduite de Renzo Eliséo, le metteur en scène qui nous avait déjà guidé pour Arlequin, valet de deux maîtres de Goldoni.
Ce qui est encore formidable avec le Théâtre du Souffle, c’est d’être entouré par des professionnels (metteur en scène, maquilleuse, régisseur…) et de se produire une vingtaine de fois dans toute la province de Liège,  grâce aux Centres Culturels de Verviers, Stavelot, Welkenraedt, Dison… qui  nous font une totale confiance depuis de nombreuses années.
C’est très valorisant et excitant  pour moi de vivre toutes ces émotions.

« Le spectateur condamné à mort » est une pièce –procès où se confrontent juge, avocat, procureur, greffier, témoins, auteur, metteur en scène, personnel de théâtre, accusé, homme et femme de la rue.
Quel rôle jouez-vous ?


Mon rôle  est celui d’un avocat hautain qui est en perpétuelle confrontation avec le procureur. Je m’empêtre dans des comportements incohérents, j’enfonce l’accusé au lieu de le défendre et mes plaidoiries plongent dans le non-sens. C’est un personnage assez jouissif à jouer !!!



Merci Virgile Gauthier !

 

 

Bonjour Barbara, que peux-tu nous dire à propos  de la pièce « Le spectateur condamné à mort » ?

Il s’agit d’une pièce écrite par le roumain Matéi Visniec. Celui-ci, ayant vécu sous le régime de Ceausescu, a toujours été convaincu que la force de la littérature résidait dans son pouvoir de dénonciation. Le théâtre est donc, selon lui, le vecteur privilégié pour mettre à mal le totalitarisme. Depuis la chute du communisme, Visniec est devenu l'auteur dramatique le plus joué en Roumanie. Plus près de nous, ses créations sont fréquemment représentées au Festival d’Avignon (off).

Le spectateur condamné à mort est une comédie, mais les thèmes abordés sont profonds : il s’agit de la dénonciation du mode de fonctionnement des régimes totalitaires, du manque de respect des droits humains les plus élémentaires, et de la corruption du système judiciaire. Ces sujets  graves ont évidemment été personnellement vécus par Matéi Visniec, avant qu’il n’obtienne l’asile politique en France. Cependant, le ton de la pièce est résolument humoristique. La dictature, le népotisme, l’arbitraire des lois, la manipulation des témoignages ou le manque de liberté d’expression sont ici poussés à l’extrême et traités avec une fausse légèreté.  Les personnages sont décalés, les actions sont insensées, les argumentations sont illogiques,  l’humour est parfois noir : cela donne donc un théâtre à la fois drôle et engagé.

De plus, cette pièce pourrait être qualifiée d’absurde : les mises en abîme, un peu comme dans Six personnages en quête d’auteur de Pirandello, sont fréquentes et amplifient le malaise lié à cette institution un peu théâtrale qu’est le monde de la justice.

Finalement, le message de cette pièce est (malheureusement) intemporel : il suffit de jeter un coup d’œil sur l’actualité, tant internationale que nationale, pour réaliser que cette pièce est toujours très à propos…

Comment envisages-tu le travail du Théâtre du Souffle ?

Il s’agit d’une troupe semi-professionnelle. L’avantage de ce statut ambigu est, selon moi, de combiner des exigences qualitatives tout en conservant un état d’esprit léger, sans « prise de tête » inutile. Plus personnellement, ce travail au Souffle me permet de mener à bien mon métier d’enseignante durant la journée (je suis agrégée en langues et littératures romanes), tout en ayant la possibilité de retrouver la scène en dehors des heures scolaires (j’ai obtenu un premier prix de déclamation au Conservatoire de Liège). Pour ce spectacle, j’ai pu contribuer à l’élaboration du dossier pédagogique : voilà de quoi réunir mes deux passions !

 

Merci Barabara Thiel pour ce partage à propos de la pièce !

 

Informations pratiques :

Les représentations des 10, 12, 26 et 27 novembre affichent déjà complètes !
Une date supplémentaire a été ajoutée au Théâtre l’Autre Rive à Polleur le dimanche 28 novembre à 15 heures. Réservations au 087 64 64 23.
Nous jouons au Théâtre Le Moderne à Liège les 21, 22, 27, 28 et 29 janvier 2011. Réservations au 04 225 13 14.
A l’Espace Culturel de Trois Ponts le 25 février ; Réservations au 080 88 05 20.
A la Salle du Viaduc de Montzen le 23 mai. Réservations au 087 33 96 64.

Mise à jour le Mercredi, 10 Novembre 2010 06:22