Les socialistes"utopistes" et Verviers
Lundi, 04 Mai 2009 06:08

L’histoire du curé DEBOUCHE nous a permis de faire connaissance avec son philosophe de disciple, Jean-Guillaume de COLINS de HAM.

Et nous avons perçu combien cette époque était un temps de bouillonnement intellectuel, de remise en cause de la société.

Quelques autres  penseurs socialistes qu’on appelle de façon un peu facile des « utopistes » ont eu un lien avec Verviers, direct ou indirect. Sans parler évidemment de Marx et de la Première Internationale (Verviers, boulevard de l’Internationale, avec ses 13 sections affiliées !).
Saint-Simon influencera certes la pensée des Verviétois cultivés. En 1831, ses disciples sont à Bruxelles, Liège puis à Verviers, le 8 juin « devant un grand nombre de personnes ». Sans grandes suites car seuls certains bourgeois éclairés furent sensibles au message.

Le comte Claude-Henri de Saint-Simon (1760-1825), auteur de nombreux ouvrages, préconise un système où l’économie devrait dominer toute la vie. Les vrais citoyens seraient ceux qui travaillent. La politique deviendrait la science de la production. Bientôt, le monde entier serait dirigé par un parlement de savants et d’économistes.

Aujourd’hui, nous, refroidis par un certain nombre d’expériences, savons que c’est une proposition douteuse : on a même vu des professeurs d’université suivre gaillardement Léon Degrelle, bateleur des années 30.

 

Charles Fourier (1772-1837)  n’atteint lui aussi notre région que par ses disciples. Et le principal, celui qui nous intéresse, c’est Victor Considérant, qui séjourne à Spa en 1848.

Fourrier, qui en veut au christianisme tueur du luxe et des instincts, cherche à transformer le travail en plaisir. Son paradis terrestre, c’est le phalanstère, organisation de vie en commun qui connaître nombre d’expérimentations pas toujours réussies. Dans sons système, il donne, lui (contrairement à Saint-Simon) priorité au consommateur par rapport au producteur, à l’agriculture par rapport à l’industrie. Sa première proposition nous agrée sûrement, la seconde est plus suspecte de passéisme. Il est nuancé par rapport au collectivisme

 

Proudhon (1809-1865) séjourne plusieurs fois à Spa en 1859  et 1862 chez son ami Félix Delhasse, un radical qui le soutient très généreusement.

Lors de ses séjours chez nous, notre philosophe ne paraît pas avoir remarqué Verviers avec son industrie et le sort de la population ouvrière. Spa, c’est le plaisir. Verviers est loin de là . On plane…

« La propriété, c’est le vol » déclare Proudhon dans une grande envolée compromettante en 1840 .  Quitte à nuancer plus tard.

 

Ainsi se termine notre rappel des « socialistes utopistes » qui ont eu un lien avec Verviers.

Nous ne dirons rien de Marx (1818-1883) qui connaissait Verviers et ses militants. Mais lui, n’est plus un utopiste, loin de là ! Ses liens avec Verviers mériteraient à eux seuls une longue chronique.

Michaël Bakounine (1814-1876), révolutionnaire russe, compagnon de Marx, va devenir son adversaire et le leader d’une tendance « anarchiste, autonomiste et fédérative ».

Bakounine, c’est l’impatience, la révolution comme doctrine. Il va évidemment inspirer les anarchistes, y compris les Verviétois.

Et les Verviétois de la Première Internationale seront d’abord des supporters de Bakounine

On retrouve là un trait bien de chez nous : dissidence, anarchisme, mouvement libertaire…

 

Pierre Kropotkine(1842-1921) est encore un drôle d’oiseau. Anarchiste, ami de Bakounine, il passe à Verviers en 1872 et dit que les tisserands du coin sont « une des populations les plus sympathiques ». Flatteur, non ?

Théoricien et propagandiste d’un anarchisme assez radical, il a, lui aussi influencé nos aïeux.

Ainsi se termine une série qui, espérons-le, aura permis à chacun, avec ses propres lunettes, de voir combien notre ville fut un terreau fécond pour tant de précurseurs et une terre d’accueil pour tant d’idées nouvelles, qu’on les partage ou non.

 


 

Le prince Kropotkine, anarchiste et admirateur des ouvriers verviétois

Nos sources :

Voir les ouvrages mentionnés en fin des deux chroniques précédentes (mars et avril 2009)

On y ajoutera l’excellent et passionnant ouvrage de Freddy JORIS, Pierre Fluche et le mouvement ouvrier verviétois sous Léopold II, Bruxelles, 1997.

 

Ó Jacques WYNANTS, 2009

Mise à jour le Mardi, 26 Mai 2009 21:15