Le Jour de l’An
Écrit par Jacques Wynants   
Jeudi, 01 Janvier 2009 21:04

C’est le 31 décembre que je prends la plume.

Je voudrais rappeler la façon de fêter cet événement il y a quelques décennies, mais j’ai bien peu de souvenirs ou même de témoignages.

En tout cas, dans ma famille, le premier janvier, c’était un jour de visites. Tôt le matin, mon grand-père quittait son logement au centre de la ville et montait la rue Renier. Première étape là-bas chez mon oncle. Ensuite, place Géron, chez nous.
Et puis il continuait par les prairies de Wesny pour gagner Dison où l’attendaient ses soeurs et belles-soeurs (car les hommes étaient souvent morts avant).

 

Nous, on se bornait à l’une ou l’autre visite : chez la tante de mon père, où les enfants recevaient un tout petit verre de muscat, je crois, puis chez mon oncle et, enfin, le soir, on se retrouvait toute la tribu chez les grands-parents pour un repas traditionnel et simple : frites, boulettes maison et harengs (baignant dans une large soupière, entourés de rondelles d’oignons). Et les grands jouaient aux cartes « Quwart’d’jeu ». La soirée se terminait pour eux par un verre de péket dont mon grand-père versait religieusement les deux dernières gouttes sur sa tête en disant que cela favorisait la repousse des cheveux. Je l’ai toujours connu chauve ou presque !

C’était encore au sortir de la guerre et on ne connaissait aucune débauche de lumières, de plats luxueux, de vins capiteux.

Plus tard, ce sont mes parents qui reprirent le flambeau des rencontres du Jour de l’An, mais cela a déjà été évoqué, même dans Le Soir, par mon cousin Jean-Marie qui y gère le service culturel (Grille sur le gril, 5 janvier 1194).

Il  y  avait ainsi des rites, simples et familiaux.

 

Et cela m’amène à évoquer deux autres fêtes de Nouvel An.

 

D’abord, en 1919.

 La veille, le 31 décembre, ont eu lieu les funérailles d’Henri Siquet (famille qui tenait l’hôtel Saint-Jean, actuellement banque Dexia, rue Xhavée), un « espion » fusillé en avril. Pour fêter l’an neuf, on manque de numéraire : les monnaies communales courent à profusion, les billets de banque restent planqués dans les bas de laine.

Mais, depuis le 26 novembre, nous sommes débarrassés des Allemands. Bien sûr arrive le temps des vengeances et des règlements de comptes, de la chasse aux « mauvais patriotes » mais aussi le temps des Ecossais en kilt, des Anglais, des Français, puis de nos »jass », 12e de ligne de retour à Verviers.

Bref une fin 1918 et un début 1919 dans le soulagement de la liberté retrouvée mais aussi dans la pagaille d’une reconstruction malaisée.

 

Ensuite,  il y a 1945. Dramatique et peu exaltant !

Dès la veille au soir, des avions allemands viennent rôder et tourner au-dessus de la ville. Au matin, sirènes, mitrailleuses et canonnades se succèdent, empêchant beaucoup de nos familles de tenter leurs visites traditionnelles. L’atmosphère n’est vraiment pas à la joie.

D’autant qu’on ne sait presque rien de se qui se passe aux alentours. Bien sûr quelques rumeurs : parachutistes allemands à la Baraque Michel, Allemands en uniforme américain,  atrocités contres les civils à Stavelot (connues par les réfugiés accueillis à Sainte-Claire), massacres de prisonniers US à Malmedy (Baugnez), connus par les rescapés soignés au 77th Evac. Hosp. de l’Ecole Normale…

L’atmosphère est lourde.

 

Depuis lors, nous avons la chance de connaître des jours de paix. De célébrer Noël et le Nouvel An sans craindre les bombes

Ce n’est pas le cas partout, pensons-y !

Jacques WYNANTS et SVAH, 31/12/2008

 

 

Orientation bibliographique

Joseph BRONCKART, Cinq ans d’occupation. Verviers pendant la guerre 1940-45, t. III, Verviers, 1946.

Charles LIEGEOIS, Mémorial verviétois de la guerre 1914-1918, Ephémérides décennaires du journal Le Jour, Verviers, 1928.

Jacques WYNANTS,  Verviers libéré. De l’allégresse à l’inquiétude. Septembre 1944-janvier 1945, Verviers, La Dérive, 1984.

Mise à jour le Samedi, 26 Décembre 2009 22:32