Eloge des cimetières
Écrit par Jacques Wynants   
Dimanche, 26 Février 2012 10:58
Il se fait que, depuis plus d’un an, j’appartiens à un groupe quasi-officiel qui sillonne les cimetières de Verviers, afin d’y repérer les tombes intéressantes sur le plan historique, architectural ou autre.

En effet, un récent décret de la Région Wallonne s’attache à la sauvegarde des cimetières et des sépultures remarquables.

Parlons du grand cimetière, celui de la rue de la Cité.

Vaste étendue en pente, émaillée de coins de verdure, jalonnée de grands arbres et de petits poteaux indicateurs rouillés…Un véritable parc, paisible, balayé par le vent, avec une vue extraordinaire sur la ville.

"La nature plus forte que la vanité des hommes"

Photo et légende de Jean Pirnay

Mécanicien sculpteur à Jalhay

Cimetière, lieu de mort ou reflet de la vie ? Avec ce mélange de grands monuments et de petites stèles discrètes, avec le style sobre des Européens du Nord et l’exubérance des monuments grecs ou italiens, avec tous ces personnages qui se côtoient : l’industriel prospère, l’avocat connu, le tisserand, le facteur, le musicien, la ménagère…


Reflet de la vie, avec des noms pratiquement inconnus chez nous, germaniques, slaves ou anglo-saxons, des tombes vieilles de 150 ans et d’autres, toutes neuves, encore couvertes de fleurs. Du marbre, du petit granit, ou même un simple enclos de planches ; des inscriptions, ou une surface vierge, ou un unique prénom, ou une phrase d’affection…


Endroit mystérieux aussi. Comment ce jeune New-Yorkais est-il venu mourir à Verviers de la fièvre typhoïde à la fin du 19e siècle ? Pourquoi telle lady britannique est-elle décédée ici en 1953 ? Pourquoi l’inhumation à Verviers d’un jeune homme massacré par les nazis dans le Hainaut ?


Cimetière, calque des différences sociales, avec ses « beaux quartiers » aux mausolées visibles de partout, avec cette allée des hommes politiques, avec ces concessions des grandes familles. Mais, parfois, les constructions les plus élaborées se laissent aller, fissurées par les arbustes, abandonnées par les familles (sic transit gloria mundi) tandis que de modestes pierres, inusables, traversent les décennies sans s’altérer.


Cimetière encore où l’on se sent chez soi, entouré de ses proches.

Tiens, voici la tombe de notre ancienne voisine ; là-bas était enterré grand-père, là au bout ma marraine, et le grand-oncle mort à la guerre repose sous une croix dans la pelouse d’honneur.

Je parcours les allées et y revois de vieilles connaissances. Je suis en terrain familier, le chirurgien qui m’a opéré est ici, comme tel policier, notre agent de quartier, comme l’épicière de ma jeunesse, comme tel prêtre dont j’ai été souvent l’acolyte. Et ce sont des rencontres sympathiques, nullement morbides.

Les seuls endroits sinistres sont ces rangées de tombes d’enfants qui rappellent la cruauté de la vie et les alignements de croix dans la pelouse d’honneur qui rappellent la folie des hommes.


Que vous visitiez le cimetière de Verviers, celui de Stembert, de Heusy, ou d’autres, vous trouverez la même variété, la même quiétude.

Finalement, le cimetière, ce n’est pas un endroit triste, c’est un lieu de promenade pour notre mémoire, une évocation de nos racines, pas un lieu macabre, mais quelque chose de doux.

Je vous invite à fréquenter ces lieux (dès à présent !)

Jacques Wynants, Président de la SAHV

PS : Ce texte a été publié dans le numéro de décembre 2011 de la revue “ARC Magazine” de Verviers.

Mise à jour le Mercredi, 29 Février 2012 15:57