Tournée
Écrit par Jean Wiertz   
Jeudi, 22 Juillet 2010 20:10
 

Un film de Mathieu Almaric (France 2010)

Joachim Zand (Mathieu Almaric), ancien producteur pour la télévision, revient en France et y organise une tournée pour un spectacle de ‘New Burlesque » de 5 femmes américaines, aux noms de scène très évocateurs : Mimi Le Meaux, Evie Lovelle, Dirty Martini, Roky Roulette.Le New Burlesque est un spectacle dérivé du music hall, mélange de striptease, d’humour trash et de cirque, actuellement en vogue aux Etats-Unis.

Le rêve pour la troupe est le passage dans une salle à Paris, et l’opportunité de découvrir la ville lumière. Jusqu’au moment où Joachim Zand apprend qu’il n’a plus accès à la salle. Il décide alors de reprendre contact avec ses anciens collègues de la télévision, pour dénicher une nouvelle salle…

Alors que nous n’apprendrons rien du passé des 5 femmes, le film nous éclaire sur celui de Joachim, au fil de ses rencontres. A force d’intransigeance, il a opéré une sorte de suicide social, laissant derrière lui rancune, mépris, ressentiment. « Pas de remords, pas de regrets, pas de souvenirs » dira-t-il de lui-même, en cherchant à se faire une nouvelle place au soleil. Tout l’enjeu sera alors pour ce personnage déplaisant de se donner une certaine contenance devant les filles, et de leur cacher le vide de son existence, d’où les multiples agressions verbales contre leur jeu de scène.

A l’opposé  des tourments de leur producteur, les filles vivent dans une sorte de transe perpétuelle. En rupture avec le raisonnable et la mesure, elles prolongent les exubérances de la scène dans l’ivresse, l’insouciance et les fêtes, étalant leurs désirs, leurs rondeurs et leurs rires sans complexes. Elles enthousiasment leur public, à l’image de cette caissière de magasin que Mimi et Joachim rencontrent un matin. Cette surprenante séquence nous révèle le stress du producteur, incapable de tirer parti de cet engouement pour consolider le succès de la tournée.

Se côtoient ainsi deux mondes au bord du précipice, qui vivent chaque instant comme s’il s’agissait du dernier. Et ces deux mondes, qui ne peuvent vivre l’un sans l’autre, vont lentement se rencontrer, se rapprocher, s’accorder, au fil des disputes, des déceptions et des réconciliations, quand tombent un peu les masques et les fards.

Cette œuvre très chaleureuse est filmée au plus près de la vie, loin des diktats à la mode : la plastique des actrices est loin d’être parfaite, la musique qui accompagne les spectacles est celle rendue par la sono crado des salles qui les accueillent, l’image est granuleuse.

Le cinéaste alterne avec bonheur les séquences de spectacle prises sur le vif, et celles fabriquées pour la narration, ce qui lui a valu le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes (signalons que le chef-opérateur est Christophe Beaucarne, le fils de Julos).

Les actrices, qui jouent leur propre role, sont tout simplement formidables de naïveté, de générosité et d’humanité.

Mise à jour le Vendredi, 30 Juillet 2010 16:53