Les dames de Hautes Bourgeoisies
Écrit par Michel Mohring   
Jeudi, 07 Avril 2011 19:49

Gilbert Gaspard auteur de magnifiques livres sur l’histoire des motos belges comme « Les demoiselles de Herstal », « les dames de la basse Meuse »  ou encore « Au temps des phares à carbure »me dit un jour en voyant ma collection de moto liégeoise, « Vous avez réunis de bien belles motos de chez nous, c’est le sommet de ce que Herstal a produit juste avant 1930.

Ces jolies demoiselles sont en réalité des dames de haute bourgeoisie » .

Il faut savoir que le haut de gamme chez FN est la 500culbuteur M67, chez Saroléa  la500 type 24U et Gillet  propose  sa 500 super sport.

J’ai pu réunir ces 3 modèles de motos dans ma collection. Une aubaine dont je n’ai pas pris  assez conscience en son temps. Pour constituer  une collection,  la recherche va, me semble-t-il, s’orienter vers ce que l’on a pu faire de mieux dans un cadre donné. 

Dans mon cas c’est la moto liégeoise d’avant-guerre. Mon côté sportif va affiner les recherches vers les motos de tempérament et digne de bonnes performances c’est-à-dire ce que l’industrie motocycliste faisait de mieux : les 500 culbutées.

 

 

Ma première découverte c’est l’FN M67 dont je vous ai déjà parlé précédemment. 

Elle a toutes les caractéristiques des motos super sport de la fin des années 20. La Fabrique Nationale a d’ailleurs affuté une M67 pour établir à Monza le record du monde  des 24 heures à plus de 105km/h

En 1927, une M67 s’impose dans Mont Theux à plus de 132km/h.  1er au général au Bol d’Or  français.  Les victoires se succèdent , je ne saurais toutes les citer..Le succès commercial dépend des résultats sportifs . A l’époque le message était déjà bien compris.

 

 

A peine sortie de restauration, je m’engage à Zolder dans une rencontre historique de véhicules anciens pour m’amuser et m’apercevoir de ses performances. Je sors de cette expérience un peu déçu par sa vitesse en circuit mais quel bonheur.

Ce moteur respire comme  au temps de sa première jeunesse.  Sur la photo,  mon papa m’accompagne et retrouve des motos qu’il a connu tout petit.  Mon M67 m’a suivi  sans jamais défaillir, attelée ou non pour des aventures dont les souvenirs sont encore bien présents dans ma mémoire.


Mon ami Yves Campion s’est pris de passion principalement pour la marque Gillet .

C’est tout naturellement que nous avons fait un échange de moto. Dans mes caves trainent des moteurs Gillet  incomplets et une 350 a soupapes latérales avec un trou dans le moteur (pour la petite anecdote une souris avait élu domicile à l’intérieur du bloc moteur).

Yves quant à lui possède une Saroléa du type 24U de 1929. Sans autres  formalités nous avons échangé nos avoirs.
              

Magnifique bécane que cette 24U complète à peine défraichie par le temps et facile à restaurer.

Encore merci Yves. Je profite de l’occasion pour  vous recommander le livre exceptionnel qu’il vient d’écrire  sur les Gillet, bien entendu illustré de photos d’époque. C’est la bible en la matière.(Les Motos Gillet  Herstal   éditions Graphi Griffe)


En ce temps-là, la mode en moto est de fabriquer des mono cylindres équipés d’une sortie d’échappement ou de deux. C’est ainsi que chez Saroléa la 24S a un échappement et la 24U deux, bizarre mais la mode le veux ainsi. La 24U est une véritable machine de sport et très vite on s’aperçoit  qu’elle est issue de la compétition. La puissance et la montée en régime montrent qu’elle a un sacré tempérament. 

Des pilotes comme Grégoire,Claessens ou Renier ont porté très haut les couleurs de cette Saroléa. Le championnat de Suisse est enlevé par une « Saro » de même que celui d’Allemagne sur route comme sur piste. Le championnat de Belgique en 1931-32-33 met Saroléa sur la plus haute marche du podium.

La 24U est devenue 30R en 1930 et en 33 sort une version C de course  dénommée  communément « monotube » pour son seul tube d’échappement et reprise à l’étranger sous le nom de « Grégoire ». On peut imaginer la fierté  des gens de chez nous devant tant de succès. Je peux aisément le comprendre.  Et l’aventure ne fait que  commencer.

 


 

Ma 24U m’a emmené partout.  Dans des épreuves sur route comme le Liège-Nancy-Liège , le tour de Belgique ou sur circuit comme à Dijon, Zolder et le Nurburgring sans jamais faiblir ou se plaindre des vitesses à laquelle je lui demande d’aller. C’est une moto exceptionnelle que tout collectionneur voudrait avoir dans son garage mais difficile à retrouver car le nombre de motos sorti de chaine de production est faible ( vu le coût élevé de sa fabrication).

De toutes les motos que j’ai pu réunir c’est sans doute  une de celle avec laquelle j’ai eu le plus de plaisir.

Voici une anecdote qui se déroule pendant la célèbre épreuve du Liège-Nancy-Liège. Un concurrent  français m’interpelle pendant une halte et me demande de mettre ma Saroléa en marche. Pendant que le moteur tourne au ralenti mon ami français écoute  le bruit de l’échappement. J’arrête le moteur et il me dit : « je suis professeur de musique dans une académie de Paris et le son grave de ce moteur est d’une très grande pureté.  Merci de me l’avoir laissé écouter ». Je suis resté sans voix. Authentique.

Je ne saurais évoquer en quelques lignes  le nombre incalculable d’histoires qui me sont arrivées en quarante ans de passion.
                        

 

 


    
Ma Gillet 500 super sport  de 1928
je la trouve chez un collectionneur de Verviers . Elle est dans son jus mais remarquablement conservée. Rien ne manque. Une chose est dommage, je ne connais pas son histoire,son parcours,sa vie .Il y a un côté impersonnel qui fait que je m’y attache moins,sans mettre en doute  le modèle qui lui est de toute beauté et est la riposte de Gillet à la FN et à  Saroléa.
                           

C’est un ami qui me la renseigne et en la découvrant ,je tombe sous le charme de ce 500 culbuteur à la ligne sobre et pure. Je connais mal les Gillet. Je n’hésite pas très longtemps car quelques détails me font penser que je suis en présence d’un modèle Bol d’Or ou compétition. La fourche entre autre et la courbure des pots d’échappements m’y font penser.

C’est souvent dans les petits détails que se cache l’exclusivité d’un modèle . Je me trompe car le numéro du moteur me confirmera plus tard que cette Gillet est une Super Sport. L’ancien propriétaire a donné en son temps une petite touche compétition à sa moto et qui sait elle a peut-être un palmarès sportif.Son propriétaire d’alors devait être quelqu’un de soigneux car la moto ne porte aucune trace de maltraitance.

 


 

 Il faut savoir que Gillet n’est pas en reste au niveau sportif même si il est le dernier né des motos Herstalienne, il a presque vingt ans de retard,mais je vous rassure ils ont été vite comblé. Si une 500 a été baptisée Bol d’OR c’est parce qu’ elle a gagné cette prestigieuse course internationale, et plusieurs fois s’il vous plait . Pareil pour le modèle compétition,on ne compte plus les succès. Un grand nom du sport motocycliste belge y est associé, a savoir René Milhoux,le pilote le plus titré. A son palmarès on trouve des records du monde de vitesse, des victoires en circuits, en course de côtes,  en endurance, en tout terrain et j’en oublie .Palmarès d’exception  mais pas uniquement sur des motos de chez Gillet.
                            

Ma 500 est digne de porter le nom de « Dame de Haute Bourgeoisie » car elle est dans la lignée des deux autres, racée puissante et élégante. Avec son caractère bien trempé elle est capable de vous emmener  à la mer  manger des moules et en revenir sans sourciller. Avec ma Gillet je parcours les Ardennes avec un plaisir immense, et pour  le Liège-Nancy ma confiance est totale sur les 700km de l’épreuve. La fiabilité d’une Gillet n’est pas un vain mot.
                           

Pour conclure cet article et faire une comparaison  avec des véhicules d’aujourd’hui  je serai tenté de dire qu’une FN est une Mercédès, une Gillet une BMW et qu’une Saroléa est une Porsche . Cette comparaison n’appartient qu’à moi bien sûr.
                          

A propos, j’ai vendu la Gillet à un certain monsieur… Gillet pour pouvoir m’offrir la moto de mes rêves dans les années 80.  Une Honda CBX 1000 6 cylindres. Cette moto d’occasion découverte dans une agence a passé quelques temps au Japon au service course pour y subir des transformations en vue de s’illustrer au Bol d’Or couru en 1980 sur le circuit du Castellet en France. Je pense que j’aime les motos qui ont une histoire à raconter.   Cette 6 cylindres dort tranquillement  dans mon garage et attend impatiemment le printemps. Réentendre le son émit par ce moteur exceptionnel donne le frisson. Pour un passionné de moto, c’est la mélodie du bonheur.  Que voulez-vous,   les années passent la passion reste.
                       

Si d’aventure certains d’entre vous ont chez eux des restes de cette grande époque  liégeoise, j’aimerais les rencontrer.                                                                 

 

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Mise à jour le Mercredi, 13 Avril 2011 18:44